
défaut de courage, selon lui, rend pacifique, mais il n’inspire pas la
peur. Si celle-ci étoit le résultat de l’absence du courage, il ne sauroit
comprendre comment quelquuu peut être en meme temps courageux
et craintif. Cependant,il y a des espèces d’animaux et des hommes qui
éprouvent ces deux sentimens. Le cerf est peureux et courageux.
Si l’absence d’une faculté ne peut jamais produire une sensation
positive, M. Spurzheim a tort de regarder la peur, dans tous les cas,
comme une sensation positive. Quand on dit qu un homme ou un
animal a peur, on ne veut pas toujours dire par là que , dans ce moment,
il est affecté de la peur, comme on est affecté de la colère ou
de la frayeur.On entend dire, par cette expression , que c’est un homme
ou un animal peureux, poltron; et dans ce cas, on est plus facilement affecté
de la peur, que lorsque l’on est courageux. Si le défaut de courage
rendoit seulement pacifique, et qu’il n’inspirât pas la peur, en présence
d’un danger, je voudrois savoir quelles sont les qualités qui en cas de
défaut de l’amour physique inspirent quelquefois une aversion et même
une horreur pour les femmes? Quelles sont les qualités qui en cas du
défaut de talent de la musique, inspirent une aversion pour la musique?
Quelles sont les qualités qui en cas du défaut d’intelligence
inspirent les faux jugemens, en cas du défaut d’appétit et de forces
digestives, le dégoût pour les alimens? Comment M. Spurzheim , dans
son hypothèse, peut-il concevoir la haine, la médisance, la cruauté,
la démence, puisqu’il n’y a point de force fondamentale ni pour la
haine, ni pour la médisance, ni pour la cruauté, ni pour la demence:
Moi je conçois tous ces phénomènes très-facilement/Les choses du
dehors ne nous procurent du plaisir, qu’autant qu’il existe entre elles
et nous des points de contact établis par les organes cérébraux. C est
pourquoi, dans l’âge de la force et avec une santé florissante , mille
choses nous font plaisir, nous ravissent, qui dans la diminution des
forces nous sont indifférentes, ou même nous inspirent de l’aversion
jusqu’à produire, dans un abattement total, le dégoût de la vie et le
penchant au suicide. Lorsqu’il n’existe plus pour nous des points de
contact avec certaines choses, elles ne se trouvent plus en harmonie
avec nous, et il en résulte de l ’éloignement, de l'aversion. Qui n’a
pas fait l’expérience que Iasatiété de certaines jouissances n’entraîne pas
seulement l’indifférence , mais un véritable dégoût pour les mêmes
objets qui, peu auparavant, étoientle but de nos voeux les plus ardens?
De la même manière, lorsque nos membres sont épuisés de fatigue, nous
éprouvons de l’aversion pour le travail.On peut dire, avec M. de Bonald,
que ceux dont le goût répugne à la métaphysique, aux mathématiques,
etc,, sont des instrumens qui n’ont pas toutes leurs cordes.
Enfin, si la circonspection étoit la source de la peur , les étourdis
devroient toujours être exempts de ce sentiment, et l’on seroit d’autant
plus peureux qu’on seroit plus circonspect, chose qüe nous voyons
constamment démentie par l’expérience. M. Spurzheim ne peut pas
comprendre comment quelqu’un pourroit être en même temps courageux
et craintif, si la peur étoit le résultat de l’absence du courage.
Pourquoi M. Spurzheim néglige-t-il ici le principe sur lequel dans d’autres
endroits il insiste si fort avec raison, savoir : Que les actions sont
rarement le résultat d’un seul organe? Si cela est, j’ai déjà répondu à
cette partie de son objection , quand j’ai dit que les animaux et les
hommes les plus courageux ne manquent pas pour cela de la faculté
de mesurer leurs forces avec celles de leurs ennemis. Des armées nombreuses,
composées d’hommes reconnus pour courageux, ont eu des
atteintes de crainte ; l’intrépide Romain n’a-t-il pas aussi sacrifié à la
Peur?
C O N C L U S I O N .
J’ai démontré que toutes les qualités que j’ai exposées jusqu’ici, sont
des'qualités fondamentales, que chacune se manifeste au moyen d’un
organe particulier, dont j’ai indiqué et prouvé le siège par une multitude
de preuves de toute espèce. Les signes caractéristiques, établis
avant cette exposition des organes et de leurs fonctions, comme essentiels
aux qualités et aux facultés primitives , se trouvent réunis, ou au
moins en partie dans chacune.