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nier ne met nullement en doute .quelle ne soit possédée du démon.
On prévoit sans peine les suites de ces préventions absurdes ju).
« Un militaire très-distingué, dit le même docteur , après cinquante
années d’un service très-actif dans la cavalerie, étoit passé , dans ses
dernières années, à un état opposé età toutes les jouissances d une vie
aisée et commode, dans une campagne agréable. Les viscères de la
respiration et de la digestion se ressentirent bientôt de cette inactivité,
étant d’ailleurs affoiblis par le progrès de l’âge, et il en résulta une sécrétion
périodique et très-abondante de mucosités ; il devint sujet à
différentes affections nerveuses, comme des spasmes dans les membres,
des sursauts durant le sommeil, des songes effrayans, quelquefois une
chaleur erratique aux pieds et aux mains; le désordre s’étant étendu
bientôt jusqu’à l’état moral, il a commencé par ressentir des émotions
vives pour les causes les plus légères; s’il entend parler par exemple
de quelque maladie, il croit aussitôt en être attaqué. Parle-t-on, dans
la société intime de ses amis, d’un égarement de la raison, il se croit
aliéné, et il se retire dans sa chambre, plein de sombres rêveries, et
d’inquiétudes : tout devient pour lui un sujet de crainte et d’alarme.
Entre-t-il dans une maison, il craint que le plancher ne s’écroule et
ne l’entraîne dans sa ruine. Il ne pourroit, sans frayeur, passer sur un
pont, à moins qu'il ne s’agît de combattre, et que la voix de l’honneur
ne se fît entendre ».
« Un homme, très-riche et dans la consistance de l’âge, rapporte
encore M. P inel, devient morose et sujet aux craintes les plus pusillanimes;
à peine peut-il goûter quelques momens de sommeil, il se
couche à quatre ou cinq heures du matin, passe la nuit dans des
frayeurs continuelles, croit entendre des paroles à voix basse, ferme
avec soin sa porte, craint quelques instans après ne l’avoir pas assez
fermée , et revient sans cesse pour reçonnoître son erreur. Une autre
idée vient à l’occuper encore ; il se relève du lit pour examiner ses papiers;
il les écarte tour à tour, il les rassemble , croit avoir oublié
r Traité de l’aliénation mentale, par M. le docteur Pinel, p. 115, §. ra8,
DU CERVEAU.
ijuelqu’objet, craint jusqu’à la poussière de ses meubles, éprouve la
plus grande instabilité dans ses idées et dans ses volontés; veut et ne
veut pas, toujours tourmenté par des soupçons et des ombrages, il
craint même de respirer l’air du dehors, et se tient toujours renfermé
V
« Une jeune personne tombe , sans aucune cause connue, dans une
morosité sombre, et soupçonne tous ceux qui l ’environnent de vouloir
l’empoisonner; la même crainte la poursuit après avoir quitté la maison
paternelle, et s’être réfugiée auprès dune de ses tantes. Ses soupçons
sont portés si loin, quelle refuse toute sorte de nourriture’.
J’ai déjà parlé ailleurs d’un homme fort riche, d’un esprit très-distingué,
et nullement aliéné du reste, qui s’abandonne au desespoir
toutes les fois que dans la conversation on louche ce qui est relatif
à sa fortune. Il ne voit que malheurs et désastres; il verse souvent
des larmes amères, et plusieurs fois déjà il a conçu le projet de se
détruire. A l ’époque de l’entrée à Paris de S. M. Louis X V I I I , il avoit
dans sa maison un fusil à vent; un scélérat peut tir-er sur le roi, se
disoit-il; ce crime donnera lieu à des visites domiciliaires, on trouvera
.ce fusil chez moi, et l ’on me croira l’auteur de ce forfait. Il brise cette
arme, et la jette dans les lieux. Nouvelles perplexités. Dans quelques
années, on trouvera les débris en vidant la fosse : tous les malheurs
qui ont eu lieu, tous les crimes qui ont été commis dans l’intervalle,
à l’aide d’un fusil à vent, me seront imputés. 11 n’eut plus de repos
qu’il n’eût fait retirer les débris des lieux où il les avoit jetes.
Plus tard, il brisa ses pistolets de poche, enveloppa les morceaux
dans du papier, et alla les jeter dans une rue éloignée. Autres craintes.
Mon adresse ne seroit-elle pas écrite sur ce papier? Si on la trouve,
quels horribles soupçons peuvent planer sur moi !
1 Traité de l’aliénation mentale, par M. Pinel, p, 29S, § 2/fi,
* Ibidem , p. 294 , § 347.
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