
insensiblement, et de manière à ne se prononcer qu’après des années,
trop souvent on prend pour caprice, inconséquence, vice, ce qui dans
le fait n’est que la première manifestation d’une maladie cérébrale.
Je ne suis pas le premier qui ait observé cet épaississement du
crâne ; cependant les physiologistes et les médecins y faisoient généralement
si peu d’attention, que lorsque j’en parlai, je ne trouvai que des
contradicteurs. J’eus beau citer à l'appui de mes observations, celles de
Greding, dont les écrits me sont restés inconnus encore long-temps
après que j’eus commencé »enseigner publiquement mes découvertes.
Ce médecin, dans deux cents seize cadavres de maniaques qu’il ouvrit ,
trouva cent soixante-sept crânes très-épais, sans parler de ceux qui à
la vérité netoient pas épais, mais très-denses. Sur cent furieux , il
trouva soixante-dix-huit crânes très-épais; sur trente crânes d’imbéciles,
il en trouva vingt deux de très-épais.
Ces observations si exactes ne suffisoient pas pour réveiller les incré-
dules de leur léthargie. Walter de Berlin dit à ce sujet : « Ma vie toute
entière a été consacrée à l’étude du corps animal et du corps humain en
particulier. J’ai examiné le cerveau d’aliénés dé toute espèce, mais
jamais je n’ai trouvé les os de leur crâne plus épais que de coutume,
comme le soutient M. le docteur Gall »•', M, Rudolphi, occupé tout
entier à soutenir son opinion, passe sous silence le grand, nombre de
crânes épais de maniaques que Greding a trouvés , et insiste sur le
petit nombre de crânes minces dont ce médecin parle également. Quant
à mes observations, il dit que mon opinion ne se fonde que sur un seul
crâne que je possède. Cependant, lorsque j’eus l’honneur de recevoir
la visite de M. Rudolphi à Vienne, je lui montrai un assez grand
nombre de crânes épais de maniaques.
En France, on a reproché à Greding de n’avoir rien entendu à l’anatomie
du cerveau, et l’on s’est appuyé de M. Pinel qui ne fait mention
que d’un seul crâne très-épais.
M. Esquirol prétend avoir fait aussi des observations qui prouvent
> ptwas uber die Schædellehre, (c’est-à-dire un mot sur la cranioscopie),p. 12.
le contraire de ce que j’avance. Cependant nous trouvâmes, dans la
très-majeure partie des têtes qui nous furent envoyées de Bicêtre et de
la Salpétrière, des crânes épais au point, que M. Spurzheira, à la seule
difficulté qu’une tête qu’il s’occupoit à ouvrir opposoit à la scie ou au
marteau, devinoit si la tête venoit de l’un de ces deux hospices ou d’un
autre hôpital. Enfin, comme je l’ai dit plus haut, M. Esquirol lui-même
cite un grand nombre de crânes d’aliénés, qui étoient devenus très-
denses et très-épais, ou, ce. qui est encore plus général, très-denses.
Probablement on eût moins contredit en France cette observationi,
si l ’on s’étoit souvenu que, comme je l’ai appris plus tard, Bichat a
fait la même observation sur les têtes des maniaques.
M. Curt Sprengel ‘ dit également que dans l ’autopsie des cadavres de
mélancoliques, on trouve souvent le crâne d’une épaisseur plus qu’ordinaire.
Il est impossible que les médecins qui s’occupent de l’ouverture
de cadavres contestent plus long-temps cette vérité, à moins que, par un
procédé indigne'de savans, on ne veuille sacrifier un fait manifeste à des
considérations personnelles.
Lorsque des aliénés parviennent à un âge très-avancé, ils éprouvent
l’influence des années, et leur crâne peut s’amincir, comme celui de
tout autre vieill ard.
Je n’exclus pas non plus ici.le cas où, par une maladie générale du
système osseux, tous les os peuvent se trouver dans un état différent de
l’état naturel, par exemple devenir plus épais ; changement auquel
peut-être le cerveau n’a point de part. Kous avons vu, dans la collection
de l’électeur Maximilien, un crâne dontles os pouvoient bien avoir
un pouce d’épaisseur; mais les os de la mâchoire, tant supérieure qu’inférieure,
étoient épais à proportion ; ce qui n’a point lieu dans les têtes
de maniaques. Il reste à examiner si une semblable maladie des os
existe indépendamment d’un dérangement total du système nerveux?
Les changemens des os du crâne fj qui ne sont qu’une suite de la maladie
cérébrale, ne nous apprennent rien sur les causes premières des
> Iîandbùch der Palliologie.(Manucl de pathologie), T. I , p. 93.