
ont des petits , le barbare chasseur sait trop bien que la mère ne résistera
pas long-temps à leurs gémissemens, et que le père aussi, après avoir
épuisé tous les moyens de salut, ne tardera pas de devenir la victime
de son tendre amour pour sa progéniture. Les chattes allaitent des
petits dont la mère est malade ou a péri. La chienne fidèle mord son
maître; la biche et le chevreuil femelle oublient qu’elles sont sans
armes, et se précipitent sur l’ennemi avec témérité, lorsqu’il s’agit
de sauver ou de défendre leurs petits, i^vec quelle rage la laie
11e défend-elle pas ses marcassins? Combien ne deviennent pas redoutables
les animaux de proie , lorsqu’ils cherchent la pâture qui
doit assouvir la faim de leurs petits; ils répandent partout le carnage
et la mort !
Enfin, qui de nous méconnoît cet adorable penchant dans l’espèce
humaine ? Dès l’âge le plus tendre , la nature fait préluder la
femme au rôle de mère, et elle la fait passer par différens degrés d’instruction,
pour la préparer à sa destination future; Voyez-vous cette
petite fille si sérieusement occupée à jouer avec sa poupée? elle l’habille,
la déshabille, la pare, lui donne à manger, à boire, prépare son linge de
nuit, la couche, la relève souvent, la caresse, lui fait la leçon , la
gronde, la menace, lui raconte des histoires. C’est ainsi qu’elle passe la
journée entière, les semaines et les mois avec sa chère poupée. C’est
avec une bienveillance cordiale qu’elle se charge de soigner ses frères
et soeurs plus jeunes qu’elle; elle ressent plus vivement qu’eux-mêmes
leurs plaisirs et leurs chagrins, A peine un penchant nouveau se développe
dans son coeur , que rien au monde n’a plus de prix et d’attrait
à ses yeuX, (Jue les enfans. Où est le père où est la mère qui ne se rappellent
avec délices ces temps, où n’étant point encore époux, ils espéraient
bientôt l’être, l’avenir heureux que dérouloiept à leurs yeux leurs
désirs mêmes? Et lorsque les premiers indices attestent que l’union ne
sera point stérile, quelle allégresse! Certaines jeunes femmes éprouvent
surtout une joie inexprimable au moment où elles sentent les premiers
mouvemens de leur fruit.'La jeune épouse devient l’objet des soins
empressés de toute la famille, tout le monde attend le moment décisif
avec une impatience mêlée d’anxiété ! Y a-t-il une félicité plus pure
que celle qui se peint dans les regards d’une mère épiant avec tendresse
les besoins du nourrisson qu’elle presse contre son sein? Quel devoir
plus respectable et plus sacré que les soins que prennent des époux du
fruit de leur amour! Si j’avois une ville, au milieu de son enceinte
s’éléveroit l’emblêmé du bonheur domestique : une mère allaitant son
enfant. Chaque fois qu’une femme voit naître des petits-enfans, des ar-
rière-petits-enfans, le sentiment de la maternité renaît dans son coeur,
et cet instinct bienfaisant agit encore lorsque tous les autres penchans
sont déjà presque éteints dans son ame.
Tout sacrifice, la moindre action, tendant à sauver un enfant, ou à
assurer son bonheur, nous émeut profondément : tout ce qui décèle le
coeur d’une marâtre , nous remplit d’indignation et d’horreur. Tout
attentat contre la foible enfance, contre une femme enceinte, ou contre
une mère qui nourrit, nous révolte.
L’intérêt que commande l’enfance va jusqu’à fléchir les juges en faveur
des coupables. Galba Sergius qui, accusé de l’assassinat de trente mille Lusitaniens
, devoit être banni, fut absous par le peuple atten dri, parce qu’au
versant des larmes, il pressoit contre son sein deux enfans en bas-âge.
En réfléchissant à tout l’ensemble de ce qui caractérise l’amour de la
progéniture, il est impossible de nier que ce ne soit là un instinct inné,
et intimément inhérent à l’organisation.
Pour nous convaincre jusqu’à l’évidence, que l’amour delà progéniture
est un instinct inné et propre, nous devon^ le suivre dans ses
différentes manifestations chez les différentes espèces, dans les deux
sexes, et dans les différens individus.
Dans plusieurs espèces, les mâles ont peu ou point d’amour pour les
petits; tels sont le taureau, le cheval, le cerf, le sanglier, le chien, le
coq, etc. Dans ces espèces, l’ainour de la progéniture paroît appartenir
exclusivement aux femelles. Il est très-rare de voir un chien apporter
de la nourriture à une chienne qui a des petits.
Dans d’autres espèces, au contraire, le mâle et la femelle aiment éga