
a voit un penchant si décidé au vol, que souvent, à la parade, il déro-
boit les mouchoirs aux officiers. Son général l’estimoit beaucoup; mais
aussitôt qu’il paroissoit, on enfermoit tout avec le plus grand soin,
car il avoit souvent emporté des mouchoirs, des chemises, et jusqu’à
des bas de femme. Au reste, quand on lui redemandoit ce qu’il avoit
pris, il le rendoit de bon coeur. M. Kneisler, directeur delà prison de
Prague, nous a parlé de la femme d’un riche marchand, qui voloit
continuellement son mari de la manière la plus adroite. On fut obligé
de la renfermer dans la maison de force. A peine en fut-elle sortie
qu’elle vola encore , et fut enfermée pour la seconde fois. Rendue à
la liberté, de nouveaux vols la firent condamner à une troisième détention
, plus longue que les précédentes. Elle voloit dans la prison
même : elle avoit pratiqué, avec une adresse extrême, une ouverture
dans un poêle qui échauffoit la pièce où étoit la caisse de l’établissement.
Les vols répétés qu’elle y fit, furent remarqués : ,on mit inutilement,
pour la découvrir, des sonnettes aux portes et aux fenêtres;
mais enfin, des pistolets qui partirent à l ’instant où elle touchoit à la
caisse, lui causèrent une frayeur si vive, qu’elle n’eut pas le temps de
s’échapper par le poêle. Nous avons vu, dans une prison de Copenhague,
un voleur incorrigible, qui distribuoit quelquefois ses larcins
aux pauvres. Dans un autre endroit, un voleur, enfermé pour la septième
fois, nous assura, avec chagrin, qu’il ne lui sembloitpas possible
de se conduire autrement. 11 demandoit avec instance d’être gardé en
prison, et qu’on lui fournît les moyens de gagner sa vie' ».
A ces faits, j ’en ajouterai encore quelques autres. A Munster, un
homme avoit été condamné pour cause de vols répétés, à une détention
de huit ans, dans une maison de correction. Ce temps expiré , il
fut relâché ; loin de se corriger, il eommit de nouveaux vols, et si considérables,
qu’on le renferma à perpétuité. Après seize ans, il dénonça
une conspiration tramée dans la maison de force, et l’on proposa de
lui donner sa liberté. Mais le juge de la ville soutint qu’on ne le
T . I l , Section I II . p. 178 , 180.
pouvoit pas sans danger, attendu que cet homme lui avoit avoué que le
penchant au vol étoit inné chez lui, et qu’il ne se sentoit pas la possibilité
de s’en corriger. Un an après, cet homme trouva moyen de se sauver
de la maison de correction, et reprit son genre de vie accoutumé,
auquel il se livra jusqu’à ce qu’on l’arrêtat de nouveau; peu après, il
se pendit. « Pendant dix ans, nous dit M. Werneking, dont nous tenons
ces détails, j’ai connu cet homme dans la maison de correction;
il se distinguoit par son activité et par son recueillement pendant le
service divin ; mais j’appris après sa mort qu’il avoit commis constamment
de petits vols, même dans la maison de foree ».
Dans la plupart des cas que l’on vient de lire, ce n’est ni un défaut
d’éducation ou de facultés intellectuelles, ni le besoin qui portoit les
personnes à se laisser maîtriser par le malheureux penchant au vol. Je
n’ai pas cité non plus ces exemples comme étant rares. Tous les jours
on en voit de semblables, mais on les juge toujours mal, parce que
l’on part de l’idée q"ue c’est notre seule volonté qui détermine nos actions.
Que peut-il y avoir de plus important pour le moraliste , pour
le législateur et pour le juge, que la connoissance des véritables sources
des actions criminelles?
Sans doute, le défaut d’éducation, la superstition , les mauvais
exemples, etc., sont autant d’alimens pour les penchans vicieux. Nous
avons constamment observé, comme je l’ai déjà dit plus haut, que les
crimes de toute espèce sont d’autant plus fréquens dans une contrée,
que les établissemens pour l’éducation et l’instruction y sont plus
négligés. Mais ces circonstances défavorables ne produiroient pas le
penchant au v o l, s’il n’étoit pas inhérent à notre nature.
Aussi, chez toutes les nations et dans tous les temps, le vol a-t-il
toujours occupé le premier rang parmi les délits. Il y a bien peu de
personnes qui, la main sur le coeur, puissent dire : je n’ai jamais volé;
surtout si elles remontent à leur enfance. Chez la plupart des hommes,
il faut combattre sans relâche le penchant au vol par des motifs
puissans , par les lois pénales, par la religion, etc Quelle variété dans
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