qu’il fût porté comme les autres carnassiers, par une impulsion intérieure
, à tuer les animaux. Or, l’histoire de tous les temps prouve qu il
est réellement doué de cette qualité.
Il ne me reste donc plus qu’à montrer combien cet instinct se manifeste
différemment dans les différens individus, et quel rôle il joue
quelquefois dans la manie et dans l’idiotisme, pour prouver qu il est
une fonction indépendante et propre dans 1 homme comme dans les
animaux, et que par conséquent il doit résulter d un organe particulier.
J’ai déjà décrit, dans la troisième section du second volume, les différens
degrés de manifestation de cette disposition. Pour établir 1 ensemble
, et pour épargner au lecteur la peine de recourir au deuxieme
volume , je vais répéter ici les morceaux relatifs à 1 instinct carnassier,
ou au penchant au meurtre.
« Il y a dans l’homme une inclination qui va par gradation , depuis
la simple indifférence à voir souffrir les animaux, et depuis le simple
plaisir de voir tuer, jusqu’au désir le plus impérieux de tuer. La sensibilité
repousse cette doctrine, mais elle n’est que trop réelle. Quiconque
veut juger convenablement les phénomènes de la nature, doit avoir le
courage de reconnoitre les choses telles qu elles sont, et en general ne
pas faire l’homme meilleur qu’il n’est ».
« On observe que parmi les enfans comme parmi les adultes, parmi
les hommes grossiers et parmi ceux qui ont reçu de 1 éducation, les uns
sont sensibles et les autres indifferens aux souffrances d autrui. Quelques
uns même goûtent du plaisir à tourmenter les animaux, à les voir
torturer et tuer, sans qu’on puisse en accuser 1 habitude, ni une mauvaise
éducation. Et nous pourrions citer plusieurs exemples où cette
inclination, quand elle étoit très-énergique, a décidé certains individus
dans le' choix de leur état. C’est ainsi qu’un étudiant eifrayoit
souvent ses condisciples par le plaisir particulier quil prenoit à tourmenter
des insectes, des oiseaux et d autres animaux. Ce fut pour satisfaire
son inclination, comme il le disoit lui-meme, quil s adonna à
la chirurgie. Un garçon apothicaire eprouvoit un penchant si violent
à tuer, qu'il se fit bourreau. Le fils d’un marchand qui faisoit de même
consister son bonheur à tuer, embrassa la profession de boucher. Un
riche Hollandois payoit les bouchers qui faisoient de grosses livraisons
de viandes aux navires, pour qu ils lui laissassent assommer les boeufs ».
v On peut encore juger de l’existence de ce penchant et de sa diversité
par l’impression que produit sur les spectateurs le supplice qu’on
fait subir aux criminels.- Les uns ne peuvent supporter ce spectacle , les
autres le cherchent comme un plaisir. Le chevalier Selwin se donnoit
tous les mouvemens possibles pour être place près du coupable que
l’on supplicioit. On raconte de La Condamine, que faisant un jour des
efforts pour percer la foule rassemblée sur la place des executions, et les
soldats l’ayant repoussé en arrière, le bourreau leur dit: «Laissez passer
monsieur, c’est un amateur »-. M. Bruggmanus, professeur à Leyde,
nous a parlé d’un ecclésiastique hollandois, qui avoit un désir si décidé
de voir tuer et de tuer, qu’il prit la place d aumônier d un régiment,
seulement pour avoir l’occasion de voir détruire un plus grand
nombre d’hommes. Ce même "ecclésiastique elevoitchez lui des femelles
de différens animaux domestiques ; et, quand elles mettoient bas, son
occupation favorite étoit de couper le cou aux petits. Il se chargeoit
d’égorger tous les animaux apportés a la cuisine. Il correspondoit avec
les bourreaux du pays, et faisoit des courses de plusieurs jours à pied
pour assister aux exécutions; aussi les bourreaux lui faisoient toujours
l’honneur de le placer auprès d’eux. C’est même sur un champ de bataille
qu’on trouve des exemples frappans de la différente énergie de
cette disposition. Tel soldat, à la vue du sang qu’il fait couler, éprouve
l’ivresse du carnage ; tel autre, ému de pitié, porte des coups mal assurés,.
ou du moins épargne le vaincu, se détourne a la vue d un enfant, d une
femme et d’un vieillard, et s’arrête de lui-même après la victoire ».
«L’homme en proie au cruel penchant dont nous parlons, conserve
encore la faculté de le vaincre ou de lui donner une direction qui
n’est pas nuisible. Mais le pouvoir de dompter un penchant vicieux ,
s’afïoiblit à proportion qu’il a reçu moins d’éducation, ou que les organes
des qualités d’un ordre supérieur sont moins développés. S il