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(le la chaîne méridionale et à l'immigration de cette môme flore en Tarentaise, en
Manrienne et dans le Hant-Dauphiné par les cols de la chaîne des Aljies Grées.
Nous reviendrons plus loin sur les mouvements qui ont été provo(inés par l’action
de la période xérothermiqne. Mais il est clair (jne ces faits sont loin d’éjmiser la
série des vicissitudes de détail subies par les flores alpines. Mentionnons en jiassant
ceux (pii se rapportent au r()le des cols, surtout lors(pie ceux-ci sont situés d’une
façon favorable à l’action régulière d’un transport des graines et des fruits jiar le vent.
M. Ch r i s t ') a énuméré tonte une série de plantes dont les stations dans
rOberland bernois correspondent à une immigration opérée du Valais jiar l’intermédiaire
des cols. Citons par exemple: pour la Gemmi, Ly ch n i s a lpi n a , Oxyt ro p is ,
lapponica; pour le Loetschenjiass, Oxyt ro p is lapponica, Ph y t e nma Schenchzei i,
pour le Grimsel, Andr o s a ce imbr i c a t a etc.
De même, pour la chaîne du M' Blanc (pii constitue une barrière semblable
à celle de l’Oberland bernois, il existe des faits analogues. Le col du Bonhomme a
permis ])ar exemple rétablissement sur le versant nord du M‘ Blanc an dessus de
la vallée de Montjoie de rHu g n e n in i a tanacet i fo li a , (pii vient là dans les mêmes
conditions qne dans les Aljies du Grand S' Bernard et de Bagnes.
Ainsi encore, plusieurs espèces se sont introduites secondairement du Valais
dans le nord de la Savoie, leur présence tantôt abondante, tantôt sporadi(iue, mais
toujours exclusivement an voisinage de l’aire valaisanne, ne laissant guère de doute
à cet égard, par ex.: Salix Myrsi n i t e s, Achi l lea a t r a t a , Achi l lea mos chat a,
S a x i f r a g a Cotyl édon etc.
Les exemples de ce genre jiourraient être multipliés, et cela jns(iue dans
les Alpes maritimes; ils donnent un très grand intérêt au dépouillement floristique
de détail des floi-es alpines.
6. Quelques problèmes spéciaux de Thistoire des flores dans les Alpes
occidentales.
1. La pauvreté relative des noyaux granitiques. — Les exiilorateurs ont
été frappés depuis longtemiis de la iiauvreté relative de certaines parties des Alpes.
M. C h r i s t ‘') a longuement insisté sur des régions telles (pie rOberland bernois et les
Alpes glaronnaises. On connaît depuis longtemps la pauvreté relative des versants
nord du M' Blanc et de la chaîne des Aiguilles Ronges et celles du massif de
Beaiifort en Savoie; celle du massif du Belledonne et du Pelvoux en Dauphiné; enfin
la monotonie, relevée il est vrai d'espèces endémiques remaripiables, du noyau granitique
central des Alpes maritimes.
A l p h . d e Ca n d o l l e Q a le premier indiqué une des causes de cette jiaiivreté
relative: le maintien prolongé de la glaciation depuis les temps glaciaires. Actuellement
1) C h r i s t , La flore de la Suisse et ses origines, p. 440 et 441.
2) C h r i s t , La flore de la Suisse et ses origines, p. 438 et 443.
3) A l p h . d e C a n d o l l e , Sur les causes de l’inégale distribution des plantes rares dans la
chaîne des Alpes (Atti del Congresso intern, bot. Firenze, ann. 1876).
encore, iiour la plupart de ces massifs les glaciers sont plus développés et descendent
bien plus bas dans les vallées (pie pour les secteurs riches aux(piels on les compare
(rOberland Bernois et les versants N. du M' Blanc comparés an Valais ou à la vallée
d’Aoste; L’Oisans comparé au Briançonnais). Ces massifs, qui coïncident avec des
points culminants, ont seulement été abandonnés par la glace, alors que les régions
qui les entourent étaient déjà colonisées.
Mais cette raison n’est pas suffisante, à elle seule. Il s’y ajoute l’accès
difficile du côté précisément où l’immigration aurait im être abondante. L’Oberland
bernois a ses voies d’immigration valléculaires tournées vers le nord, à climat défavorable:
il ne communi(pie avec le Valais que par des cols élevés sur lesquels la glaciation a
duré longtemps. La chaîne du M' Blanc a constitué de tout temps une barrière
presque insurmontable pour les migrations venant du sud; ses versants nords ne
communiquent avec le bassin du Rhône qu’à travers les Alpes extérieures.
Enfin, une cause très importante réside dans l’uniformité des conditions
biologiques du sous-sol: la flore est exclusivement calcifnge. Les éléments caldcóles
sont ou nuls, ou localisés en petit nombre sur les rares taches calcaires situées à la
périjihérie des massifs, d’où une grande monotonie dans la végétation. Si, au lieu
d’envisager les esjièces isolément, on s’attaque aux formations, cette impression de
monotonie devient encore bien jikis grande.
Ce dernier jioint nous amène à répondre brièvement aux observations qui
nous ont été faites par notre ami M. J a c o a r d ') an sujet de ce qu’il a appelé notre,
»théorie des filtres« et dont la jiortée lui a écliapjié, probablement à cause de cette
expression de »filtre« (pii nous avait d’abord paru heureuse'), mais ijui prête peut-être à
l’ambigiiité. Quelques exenpiles feront mieux comprendre la portée des faitscpii 1 ont motivée.
Avec le massif du M' Blanc (versant N.) et des Aiguilles Rouges, nous nous
trouvons en présence d'un noyau à peu près inaccessible du côté S., accessible
seulement par les versants N. Mais ces mêmes versants N. iront été débarrassés de
la glaciation (]ii'après (pie les régions avoisinantes eussent déjà été colonisées. La
flore du massif n’a donc pu se constituer qu’en empruntant ses éléments à ces régions
là. La flore calcifnge du massif du M‘ Blanc provient donc en majeure partie des
éléments calcifuges disséminés dans le secteur d’alimentation. Dans le cas particulier,
avant de pouvoir s’établir dans le massif du M' Blanc glacié, la flore calcifnge de cette
région devait se trouver distribuée dans les stations favorables des massifs libres de glaces,
c’est à dire sur le flysch des chaînes extérieures, où elle a naturellement aussi persisté
partout où les conditions biologiques le permettaient. Or, la pauvreté dune légion
est toujours relative; elle ne s’établit que par comparaison avec les régions voisines. Il
résulte de là que la plus grande partie de la flore calcifnge du massif du M' Blanc
se retrouvant dans les chaînes extérieures superposée à la flore caldcóle de ces
dernières, la richesse de ces mêmes alpes extérieures est bien plus considérable, soit
comme nombre d’espèces, soit comme variété de formations.
1) J a c c a r d , Etude géo-hotanique de la flore du haut hassin de la Sallanclie et du Trient,
J). 27 (Revue générale de Botani({ue, XI, ann. 1899).
2) B r k ^ u e t , Recherches sur la flore du district savoisien etc., p. 4 2 4 5 .