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avec des types actuels, oropliiles ou planitiaires, dans les genres dits „critiques“ ne
l)eiit laire 1 objet de doutes sérieux — on ne peut affirmer la même chose pour tontes
les espèces alpines.
La flore al])ine renfei'ine en effet des éléments communs avec une séi'ie de
massifs européens indépendants (Sierra Nevada, Pyrénées, Massif central. Corse,
Sudètes, Carpatlies, Alpes Scandinaves, etc.), extraeuropéens (Caucase, Altaï, Alpes du
Turkestan, Himalaya, Thibet, Anmriipie du Nord, etc.), et avec l’Arctide.
Quelles sont les causes de ces rapports'? Quand, dans quelles conditions se
sont-ils établis?
C’est ici (pi’interviennent les effets des glaciations quaternaires dans les Aljies.
Il serait inutile de refaire à cette place l’histoire des nombreuses théoi'ies qui ont
été succes.sivement développées pour fi.xer à l’époque des glaciations quaternaires l’origine
de ces l'apports. Cette histoire vient d’être exposée d'une façon parfaitement claire
et complète par M"'® B r o c k m a n n - J e r o s c h '), à l’exposé de détail de laquelle nous
nous bornons à renvoyer. Les théories peuvent être groupées en deux catégories
principales.
1. Dans la théorie que nous appelée en 1890 la théorie c l a s s i q u e Q, on
l)art de ce point de vue que les es})èces ne peuvent in-endre naissance qu’en un seul
point, à jiartir duquel elles rayonnent tant que les conditions du milieu le ])ermetteut.
Il suit de la que lorsqu une aire est actuellement moi'celée eu ])lusieurs fragments
géographiquement éloignés, un des fragments est considéré comme le centre de
développement de l’es])èce considérée. Celle-ci n’a pu jiarvenir dans les autres fragments
d aire ipie ])ar voie de migration. Et quand les conditions actuelles du milieu
s 0])j)osent a une semblable migration, il faut rechercher dans le jiassé une épo(iiie. ou
des époques, dans lesquelles cette migration a pu s’effectuer avec facilité.
Cr, ce cas est celui (pii est réalisé pour les plantes de haute montagne a
aire répartie entre les divers massifs de l’Eurasie, de l’Amérique du Nord et de
l'Arctide.
Pour les partisans exclusifs de la théorie classique, la clé du problème est
fournie par les consé(iuences des glaciations quaternaires dans les hautes montagnes.
Lors de la jiliis grande intensité de la glaciation quaternaire, les moraines terminales
des glaciers alpins n étaient séparées que par des territoires relativement étroits: à
1 ouest des petits glaciers des Cévennes et du Plateau central, au nord des glaciers
des Vosges et de la Eorêt Noire, par exemple. Ceux-ci, à leur tour, étaient très
rapprochés des petits glaciei's des montagnes de rAllemagne centrale (Taunus, Cdenwald,
Erzgebirge etc.). touchant jiresqne eux-mêmes au glacier Scandinave. Rien de plus
simple, dès lors, (pie d’admettre, pendant les tenqis glaciaires des mélanges de flores
entre ces différents massifs, dans les intervalles desquels toutes les formations oropliiles
ont dû se réfugier.
1) J e r o s c h , Gescliiclite und Herkunft der schweizerischen Alpenflora. Leipzig 1903.
2) B r r ^ ie t , Recherclies sur la flore du district savoisin et du district jurassique franc(j-
suisse, p. 19, ann. 1890 (E n g l e r ’s Jal.rb., Tome XIII, publié seulement en 1891).
Telles sont les lignes générales de l’explication, mais il va sans dire que les
détails en varient beaucoup suivant les auteurs '). Ainsi, les rapports entre les Alpes
et l’Altaï s’expliquent par des migrations glaciaires provenant de l’Altaï (C h r i s t ).
E n g l e r précise en disant que ces migrations se s’ont effectuées entre les 50" et 45°
de latitude N. en passant au S. de l’Ciiral, plus rarement par la même voie mais en
sens inverse ; parfois cette migration s’est même effectuée par des chemins plus com-
pli(iués: Altaï — Arctide — Alpes, ou même: Alpes — Scandinavie — Groenland —
Améri(]iie du Nord — Sibirie orientale — Altaï! Pour la plupart des auteurs, les
rapports entre les flores arcti(]ues et alpines proprement dites s’effectuent directement
entre les Alpes et l’Europe septentrionale, mais rien n’est pins variable que la patrie
attribuée aux éléments communs à ces deux flores: Scandinavie (H o o k e r , M a r t in s ),
l’Arctide entière (H e e r , P o k o r n y etc.), l’Arctide américaine principalement (C h o d a t ,
S c h u l z etc.), les Alpes principalement (K e r n e r , W e t t s t e i n ), principalement les
montagnes du Nord de l'Asie (C h r i s t ) etc. etc.
Il est à remarquer que c’est en général le maximum de fréquence actuelle qui
a dirigé les auteurs pour déterminer la patrie d’origine. Parfois aussi, on insiste
sur la distribution des espèces voisines et les questions d’affinités entrent en ligne
de compte.M
ais la fré(iiience à l’intérieur de l’aire actuelle ne peut pas former la
conviction sur ces (jnestions. La paléontologie le démontre à l’évidence. H y a déjà
longtemps (pie M. E n g l e r 2) a insisté sur l’exemple bien connu du genre Ginkgo.
cantonné, de nos jours au Japon, et du genre Séquoia en Californie. Gn tirerait des
conclusions absolument fausses en spéculant dans le passé sur la localisation actuelle
de ces genres, attendu qu’ ils étaient largement répandus dans 1 hémisphère boréal
pendant les temps miocènes. Le Rh o d o d e n d r o n ponticum est aujourd’hui localisé
dans les montagnes ponti(]iies et au Caucase (sous sa forme typique), mais a été
retrouvé à l’état fossile dans la brèche interglaciaire de Hoettingen et dans la craie
interglaciaire de Pianico Sellere (lac d’Iseo). D’autre jiart, le refoulement graduel
vers le sud d’une foule de types subtropicaux répandus dans l’Arctide pendant la
première partie des temps tertiaires est un nouvel exemple des écarts énormes que
l’on ferait si l’on spéculait sur la distribution actuelle des types généri(iues auxquels
ils appartiennent iioiir déterminer leur patrie d’origine. Ce sont là des leçons qui
devraient enseigner aux phytogéographes une prudence dont ils n’ont pas toujours
fait preuve.
Quant aux spéculations basées sur la distribution des espèces voisines et sur
les affinités, elles ont déjà un intérêt plus puissant, an moins quand il s’agit de ces
groupes relativement jeunes, ajipelés »petites espèces'<. Mais cet intérêt va en décroissant
à mesure que l’on s’adresse à des types plus tranchés et plus anciens. — En
raisonnant sur la dérivation de types altitudinaires au dépens d’une espèce mère
planitiaire largement répandue, rien n’est plus probable que l’inégale production d’espèces
1) Voy. J e r o s c h , 1. c. p. 9 4—129.
2) E n g l e r , Entwicklungsgeschichte 1. c., Bd. II, p. 48, ann. 1879.
A.