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forte raison devait-ce être le cas pour les parties intéi'ieures des Alpes, comme le
bassin du Léman où les blocs erratiques se déposaient an dessus de 1000 mètres,
ou le Valais, où ils se déposaient entre 2000 et 2700 mètres! Les cas dans lesquels
on récolte des plantes alpines isolées bien au-dessus de la ligne des neiges à l’époque
actuelle ne iienvent guère servir de comparaison. Ces localités sont en effet tontes
situées au voi s inage imméd i a t d'une abondante flore aljiine qu’elles dominent et
où le vent peut les renouveler constamment et à très petite distance.
La tâche du botaniste consiste maintenant dans l’étude de la réimmigration
de la végétation dans l’Alpes, de la reconstitution des flores naturelles, du dévelopjie-
ment des formations dans des conditions nouvelles.
La méthode à appliquer pour retracer cet odyssée variera dans ses détails
suivant les parties des Alpes (pie l’on considère. On peut cependant, d’une façon
générale, la résumer comme suit:
1 °. Reconnaître les lignes de refoulement de la végétation valléculaire lors
de la dernière période glaciaire (moraines terminales) et les territoires de refuge') de
la végétation alpine au voisinage de cette ligne (tâche surtout géographique et strati-
graphique).
2 °. Analyser la façon dont s’opère la colonisation du terrain abandonné par
le glacier sur tous les points où cela est possible actuellement (glaciers en retrait ou
à retraite récente) (tâche biologique).
3 °. Déterminer les voies valléculaires par lesquelles la végétation, suivant le
retrait des glaciers, a iiénétré de la périphérie dans rintérieui' des Alpes, en se servant
1) Les- expressions t e r r i t o i r e d e r e f u g e , m .-issif d e r e f u g e , ont ét(i introduites par
MM. C h o d a t et P a m p a n in i , Sur la distribution des plantes des Aljies austro-orientales etc., p. 41
et 47 ;Le Globe, T. XLI, ann. 1902). Elles sont particulièrement heureuses en ce cpi’elles évitent
de longues périphrases; nous les ado])tons donc volontiers, mais nous devons faire remar(pier que
l’emploi (pie nous en faisons ne cadre jias entièrement avec l ’application que ces auteurs en ont faite.
Ceux-ci semblent en effet attribuer une origine interglaciairo non seulement aux espèces alpines
méridionales, mais même à divers tjqies que M. P a m p a n in i envisage comme xérotliermitpies (C h o d a t
et P a m p a n i n i , 1. c. p. 47 et surtout P a m p a n i n i , Essai sur la géographie botanicpie des Alpes etc.,
p. 187). Ces éléments auraient ])u persister dans l’Europe centrale ¡lendant la dernière jiériode
glaciaire. Les exemples cités ( I s o j iy r um t l i a l i c t r o i d e s et S c o r z o n e r a p u r jiu r c a ) ne nous
permettent pas de nous faire une idée exacte de la conception des auteurs, mais il est certain que
la persistance de colonies xérotbenuiques quelconijues pendant la dernière période glaciaire non
seulement dans le bassin supérieur du Rhône, mais aussi dans leurs emplacements actuels de la
vallée d’Aoste, de la vallée de Suze, des vallées vaudoises etc. est contredite jiar les faits géologicpies,
point sur lecpiel nous reviendrons plus loin. Dans son jilus récent travail [Les dunes lacustres de
Sciez et les Garides (Pull. soc. bot. suisse XII, ji. 56, ann. 1902)], M. C h o d a t parle seulement d’une
période »froide« subséquente à la période xérotbermique, mentionnée comme liypotbèse et sous bénéfice
d’inventaire. Cette dernière manière de voir se rajiprocherait déjà beaucoui) de la nôtre: sans
être aussi marquées que les pliases glaciaires, interglaciaires et xérotbermique, il est en effet certain
que le climat de l ’Europe centrale a dû subir depuis les temps xérothermiques plus d'une oscillation
dans le sens du froid et de la chaleur, de l’humidité et de la sécheresse.
pour cela des emplacements successifs des moraines (tâche stratigraphi(iue) et des
documents fournis ]iar l’analyse de la flore et des formations de la région (tâche
floristique), et en s’aidant des anomalies floristùiues appai-entes (reliques glaciaires).
4°. Relever avec soin les faits de distribution (pii restent inexpliqués en
a])pliquant les procédés précédents et les grouper rationellement. Ce travail, à la fois
biologique et floristique, amènera à envisager en particulier la (jnestion des variations
climatologiques postglaciaires (jiériode xérotheiTni(|ue) pour lesquelles on ne doit pas
négliger les faits stratigrajihiques (loess jiostglaciaii-e) et paléontologiques (faune
steppique jiostglaciaire).
Nous avons en 1890 donné à cette méthode le nom de mé t hode histor ique' ) ,
parcequ’elle s’efforce d’une façon synthétique, en s’aidant de tons les faits anciens et
actuels, de retracer l’histoire récente des flores dans les Alpes. Sans aucun doute,
elle exige des études prolongées sur le terrain, une connaissance sérieuse, détaillée,
des divers domaines géograjihique, stra,tigraplii(jue, écologique, floristique et systématique.
Elle est moins facile à pratiijuer, par exemple, (jue des sjiécnlations hardies sur
l’origine des rapports des flores du Nord ou des grands massifs de l’Enrasie avec
celle des Alpes. En revanche, ses résultats, pour être jilus modestes, n’en sont que
plus certains. Nous ne nions jias l’intérêt et le rôle utile des grandes hypothèses,
à l’attrait desquelles nous ne nous sommes jias défendu de céder à jilnsienrs reprises,
mais il ne faut pas oublier qne la vraie science se construit le plus souvent lentement
en accumulant des faits positifs').
5. Aperçu sur les grandes ligues de la réimmigration postglaciaire
des flores dans les Alpes occidentales.
1. Bassin du Rhône. — La ligne frontale des moraines part de Lagnieu
(Ambéi'ieu) jiour aboutir près de Voiron, en décrivant autour du plateau de Crémien
un arc de cercle irrégulier. Tonte la végétation vallécullaire du bassin du Rhône a
1) B r i q u e t , Rcclierches sur le district savoisien etc., p. : i l— 46.
2) Mme B r o c k m a n n - J e r o s c h , op. cit. p. 107, s’est complètement méjirise sur le sens de
cette expression m é th o d e h i s t o r iq u e employée d’abord dans notre exposé de 1890. Nous avons eu
soin de séjiarer alors dans des chapitres distincts: 1 " tout ce qui concerne les théories destinées à
oxjilbiuer les ra])])orts entre la flore des Alpes et celles du Nord on d’autres massifs enrasiatiques,
en si)éculant sur des migrations ou d’autres processus h y p o t h é t iq u e s ; 2 " tout ce qui concerne
l ’h i s t o i r e récente de la flore du bassin du Rhône, histoire qui est susceptible d’une exposition
infiniment jilns précise parcequ’elle est basée sur une masse imposante de faits positifs. Nous n’
avons employé les mots »méthode historique« qu’en parlant de cette seconde partie. ' Mme B r o c k -
m a n n - J e r o s c h l’ajipliqne exclusivement à la jireinière et part de là pour disqualifier l ’emploi
que nous faisons des mots »méthode« et »historique« (op. cit. p. 109). Quant à la seconde partie
de notre exposé, basé sur de longues et jiatientes recherches personnelles, Mm® B r o c k m a n n -
J e r o s c h la passe complètement sous silence. — Nous sommes mal placé pour insister sur les
résultats que nous avons obtenu déjà en 1890, lorsqu’il s’agissait d'explirpier h i s t o r iq u em e n t les
ra])ports du Jura méridional et des Alpes savoisiennes, du Jura septentrional et des Alpes suisses
extérieures etc. 11 nous sera pourtant permis d’ajouter que le jugement porté sur cette partie de notre
travail par des botanistes impartiaux et connaissant à fond la question est bien différent de celui de
Mme B r o c k m a n n . Voy. par ex.: A u b e r t , La Elore de la Vallée de Joux, p. 608. Lausanne 1901.
Résultats scientifiques du Congrès international de Botanique. 10