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Après cela suivit une période d’effacement absolu dn jardin pour raison
d’économie. C’est à ce moment qu’il fut rattaché au parc dn gouverneur général des
Indes et dirigé par l’intendant militaire du jialais.
Un jardinier fut conservé et constitua longtemps tout le personnel scientifique.
Heureusement qu’en 1830 un homme d’une forte intelligence et d’une grande
énergie occupa cette jilace de jardinier en chef. Je veux parler de T e y sm a n n ,
un nom bien connu de tous ceux qui se sont occupés de la flore des Indes néerlandaises.
Pendant près d’un demi-siècle, il lutta avec une infatiguable persévérance
pour le maintien et le déveloiiiiement de notre Institut. Et certes la tâche
ne fut pas aisée, car il eut à s’opposer même à B l um e , devenu professeur en Hollande
et qui aurait voulu monopoliser toute la botanique des Indes.
Au milieu de difficultés dont on ne peut se faire une idée (ju’après en avoir
lu les détails, T eysmann obtint d’abord un soutien au point de vue scientifique en la
personne de H as skarl qui vint à Buitenzorg vers le milieu du siècle et le quitta pour
s’occiqier des idantations de Kina dont il avait introduit la culture au jardin.
Ce fut T eysmann aussi qui fonda les stations annexes à différentes altitudes
sur les lianes du mont Guedéh e t ' a u sommet du Pangerango, les deux plus hauts
sommets dans l’Ouest de l’île.
Une seule a subsisté et a pris un développement considérable, c’est Tjibodas,
on sujet sur lequel nous aurons à revenir.
De tout temps, l’homme remariiuable qu’était T eysmann avait senti son insuffisance
au point de vue scientifique et il avait réclamé un directeur ayant reçu l’éducation
universitaire nécessaire. L’assistance momentanée de H as skarl avait été une
première satisfaction et plus tard, en 1868 Sc h e f f e r un jeune botaniste hollandais
des plus distingués fut envoyé à Buitenzorg comme directeur. Et l’on vit ce spectacle
touchant: Le vieux T eysmann, qui aimait le jardin comme son enfant, mettant au
courant le jeune directeiii-. Pendant une année il l’initia aux difficultés techniques et
je puis dire diplomatiques de la situation. Puis il se retira et consacra le reste de
sa vie à des voyages dans les îles voisines, voyages au cours desquels il enrichit
considérablement les plantations et le musée de l’Institut par des envois sans nombre
de plantes vivantes et de spécimens d’herbier.
T eysmann a laissé une trace si marquée que, depuis lui, les jardiniers chefs
ont toujours occupé une place prépondérante à Buitenzorg et l’on a toujours choisi pour
ce poste des hommes particulièrement distingués. Je n'en veux mentionner pour preuve
qne le titulaire actuel, M. W igman (jui est une des personnalités les plus populaires
de l’Institut et qui connaît son jardin à fond. Si vous allez à Buitenzorg, n’oubliez
pas d’aller frapper à sa porte, il vous fournira des renseignements précieux et impossibles
à se procurer par ailleurs.
On peut dire que c’est à T eysmann qu’est dû le fond, la majorité des richesses
systématiques de Buitenzorg, car la plupart des botanistes hollandais ont traité trop
légèrement leur colonie et n’y ont guère laissé de collections. Ils ont tout emporté
dans la mère patrie.
Sc h e f f e r donna de suite une extension énorme à l’Institut. Il y ajouta
une école d’agriculture coloniale, des champs pour les cultures nouvelles, des stations
d’étude pour les cultures coloniales, un atelier de photographie et il obtint un bâtiment
spécial pour loger la bibliothèque et les collections. C’est le bâtiment actuel qui
contient l’herbier et qui porte le nom indigène de Kantor batoe, c’est-à-dire de comptoir
des pierres parce qu’autrefois il était utilisé par le service des mines pour y loger
une collection minéralogique.
Sc h e f f e r aussi commença la publication des célèbres Annales du J a rd in
b o t a n iq u e de Buitenzorg que vous connaissez tous, mais sa fougueuse énergie
fut brisée par le climat tropical. Atteint d’un abcès au foie, la maladie classique des
Européens aux Indes, il mourut en 1880, 12 ans après son arrivée.
Le professeur T r e u b , le directeur actuel, lui succéda en 1882 et ajouta à
l’Institut une foule d’annexes : Station pour l’étude de la culture du café, du thé, du
tabac, de l’indigo »un laboratoire de chimie apiiliquée à l’agriculture«, un atelier de
lithographie et autres modes d’illusti'ation, une imprimerie, une bibliothèque et enfin
un musée de produits végétaux, pour lequel, lors de mon départ de Buitenzorg, on
construisait un bâtiment considérable.
Inutile de parler ici du professeur T r e u b , que la plupart d’entre vous
connaissent personnellement ou tout au moins par ses travaux. Je rappellerai seulement
que ses éminentes qualités d’administrateur ont été si bien appréciées par le gouvernement
hollandais que ce dernier vient le placer à la tête du nouveau département
d’agriculture fondé pour les Indes.
Partie II. Le Jardin et ses annexes.
§ 1. Le J a r d i n.
Tel est le passé. Examinons maintenant l’état actuel de l’Institution et surtout
les parties les plus susceptibles d’intéresser les étrangers qui s’y rendent pour étude.
La partie principale est constituée par les cultures s’étendant en demi-cercle
autour du palais du gouverneur général sur la rive gauche du Tjiliwong.
Elles sont rangées en quartiers qui portent tous un chiffre et une lettre, et
dans chaque quartier les plantes sont numérotées. La phqiart de ces (luartiers sont
de vertes pelouses soigneusement entretenues et plantées d’arbres superbes, car la
richesse de Buitenzorg est les arbres. Le nombre des espèces, y compris les buissons
et les lianes, est estimé à 10 000 et il y a, dans la règle, deux spécimens de chaque
espèce. Tous deux portent le même numéro, mais le ou les doubles — lorsqu’ils
existent — sont désignés par les lettres A, B, C etc.
Ces numéros sont imprimés avec le nom sur des étiquettes en bois. Chaque
espèce possède une telle étiquette plantée généralement au pied de l’arbre principal.
Puis comme ces étiquettes, fichées dans le sol, pourraient être déplacées, chaque arbre
est pourvu d’une petite étiquette de zinc portant seulement le No. et fixée au tronc
au moyen d’un clou. Cette plaque de zinc porte aussi las lettres A, B ou C, mentionnées
ci-dessus, loi'squ’il s’agit de doublets.