Pour visiter les contrées dont je vais donner une description
, le voyageur rencontre parfois tant de difficultés,
que son exploration est nécessairement incomplète et
superficielle. L’ignorance des langues, la défiance, la curiosité
des habitants, sont de véritables obstacles qui
s’opposent à ce qu’il puisse se livrer à une étude sérieuse
et suffisante, des sites, des monuments, des.hommes,
dés usages, etc. En effet, partout où il passe, dans toutes
les localités ou il s’arrête, il se voit environné, suivi,
importuné.
Dans les conditions ordinaires, le guide qui accompagne
le vovageur, et qui est en même temps, son drog-
man, son maître-d’hôtel, son intendant, a intérêt à ne
pas trop l’amuser, le promener le moins possible. Ceci
se comprendra si l’on considère que c est lui q u i, moyennant
un prix déterminé, et en conformité d un contrat
passé devant le consul, se charge des moyens de transport
, de pourvoir à la nourriture, de payer toutes les
dépenses occasionnées par les courses, les visites aux
monuments, etc. Le meilleur guide est même dépourvu
d’instruction et de connaissances, de sorte que le voyageur
conduit dans une localité, devant un monument,
n’a guère d’autres ressources, qu’un itinéraire toujours
incomplet, et plus ou moins fidèle. Il pourra s’estimer
satisfait de ce ce qu’il aura vu , mais .s’il se décide à
écrire , à publier ses souvenirs, ses impressions, il n’ajoutera
souvent rien aux connaissances jusqu’alors acquises.
Je crois qu’on ne lira pas sans étonnement, la petite
anecdote suivante, bien propre à nous édifier sur le degré
de confiance que doivent inspirer les guides, les cicerones,
même ceux recommandés comme les meilleurs.
Me trouvant à Rome , je visitais le Capitole, accompagné
d’un cicerone qui m’avait été fourni par le maître du
premier hôtel de la ville, et qui m’était garanti comme
très-instruit. Après avoir tout examiné , excepté la roche
tarpéienne, je lui demandai de me l’indiquer. Il m’assura
que je l’avais vue; et comme je paraissais étonné de
sa réponse, il ajouta qu’elle se trouvait dans la galerie.
Le brave homme s’imaginait que la roche tarpéienne
était un marbre placé dans une des salles du Musée.
Pour voir cette roche, j’ai dû la chercher moi-même. Je
m’étais bien aperçu que mon cicerone jouissait d’une
réputation usurpée. Moi, étranger, je lui ai appris ce
qu’il ignorait, je lui ai montré ce qu’il n’avait jamais vu.
Si, pour connaître la Ville éternelle, je n’avais été guidé,
renseigné que par de semblables individus , j ’aurais
bien certainement perdu et mon temps et mes peines;
mais, heureusement, un compatriote, Monseigneur Sacré,
président du Collège belge, a eu l’extrême obligeance