A peine étions-nous à une heure d’Edfou, que nous
vîmes un crocodile qui donnait sur le sable. Une balle en
le touchant, le réveilla, mais sans le blesser.
Vers la soirée, des bandes de canards sauvages venant
du Sud-Ouest et se dirigeant vers le Nord, passèrent au-
dessus de nous. Il y en avait un si grand nombre, que
le ciel en paraissait obscurci. Déjà, les jours précédents,
nous en avions vu quelques bandes.
Le 5 , vers six heures du matin, nous laissâmes à' notre
droite, un énorme rocher qui s’avance dans le lit du
fleuve. lies Arabes lui donnent le nom de Gébel Abou-
Chéghèr , la montagne des tempêtes.
Un peu avant sept heures, nous étions dans le défilé
de Gébel-Silsilèh formé par les deux chaînes de montagnes
qui se rapprochent jusqu’à une distance d’environ quinze
cents pieds. En cet endroit, sont les nombreuses carrières
d’où on a extrait les blocs qui ont servi à élever les monuments
en grès qu’on trouve en Egypte. Le grès de oes
montagnes ressemble à celui de Fontainebleau; il est
ordinairement de couleur claire, jaune, blanche, grise et
a un aspect brillant produit par des paillettes de mica.
Dans quelques parties, il est mêlé d’une petite quantité
de calcaire.
Les hauteurs sont percées d’une multitude d’excavations •
assez semblables à celles que nous avons vues à Thèbes,
sur les flancs des collines d’Abd el-Koumah et de Kournah-
Murrayi. Il y en a aussi un certain nombre au pied de la
montagne, de sorte que pendant les crues, l’eau du Nil
doit s’y introduire. Les carrières sont presque toutes à
ciel ouvert ; leurs parois sont taillées à pic et ont jusqu’à
cinquante pieds de hauteur; on y voit, partout, les traces
des outils qui servaient à détacher les blocs. Plusieurs
pénètrent profondément dans les montagnes, et leurs nombreuses
salles et galeries transformées en hypogées ou en
temples ornés de colonnes, ont leurs parois couvertes d’hiéroglyphes
et de sculptures. Sur la rive gauche, les entrées
de quelques grottes sont taillées en forme de portique et
ornées de sculptures délicatement travaillées.
Les deux chaînes continuent à se rapprocher du Nil,
de sorte qu’en bien des endroits, leurs pieds sont baignés
par les eaux. La plage presque partout très-élevée, n’est
recouverte que d’un sable inculte. C’est à peine si de distance
en distance, on voit un peu de verdure, un ou deux
palmiers, quelques chétives habitations.
A environ six lieues au-dessus du défilé de Gébel-
Silsilèh, sur la rive orientale, est un monticule, Koum-
Ombo, qui domine une grande plaine de sable de deux
lieues de largeur. C’est là que sont les ruines de la ville
d’Ombos, aujourd’hui cachée sous les sables,* excepté ses
deux temples et un mur qui les entoure. Un village s’était
formé sur son emplacement, mais la stérilité du sol et
1 envahissement des sables, l’ont fait abandonner. On
rapporte que les soldats français y trouvèrent, le 1 2 septembre
1800, le sable si chaud, qu’ils purent y faire cuire