Péninsulaire. Sur le quai, devant la station, est la maison
du gouverneur, grande mais insignifiante construction.
On était occupé à élever un véritable palais pour le consul
de France. Celui qui occupait alors ce poste, était M.
Emérat, le même qui, lors des massacres de Yeddo, fut
sauvé par Mademoisèlle Eveillard, aujourd’hui sa femme.
Un peu derrière le palais-châlet et vers l’est, est une
citadelle abandonnée qui domine le port.
J ’avais prié notre agent consulaire, de me faciliter le
moyen d’aller aux fontaines de Moïse, le Mara de la Bible,
l’Aïoun-Mouça des Arabes. Le 2, de grand matin, une
barque sur laquelle je trouvai deux ânes et un petit
garçon qui n’avait pas dix ans et avec lequel il m’était
impossible de causer, vint me prendre. Comme la marée
était haute, cette barque put s’approcher jusque près de la
porte du palais. Elle devait me transporter sur la côte
d’Asie pour continuer à âne à travers le désert. Mon
embarras fut grand ; je ne savais de quel côté me diriger ;
mon prétendu guide ne connaissait aucunement le
chemin. Heureusement, j ’avais une carte, une boussole,
je pouvais disposer de toute la journée. Comme je n’étais
qu’à une petite distance de l’emplacement d’une ancienne
ville, celle dont j’ai déjà parlé, et qui est désignée sur la
carte de la Compagnie, sous le nom d’Arsinoë, je voulus
le visiter, et je ne tardai pas à trouver quelques vestiges
d’anciennes maçonneries. C'est tout ce qui en reste.
Revenant sur mes pas, je me dirigeai vers le sud-est, un
peu au hasard, espérant que je pourrais voir de loin,
l’oasis dans laquelle sont les fontaines ; mais de nombreux
plis de terrain vinrent] me contrarier. Je ne rencontrai
absolument personne .dans cette solitude, ce qui,
du reste, m’âurait été d’un faible secours. Le sol sur
lequel je marchai d’abord, était formé des mêmes petits
silex roulés que sur le bord occidental des lacs amers,
preuve que, dans les temps anciens, il avait aussi' été
recouvert par les eaux. M’éloignant davantage de la m er,
je m’engageai dans une plaine toute jonchée de blocs
roulés de quartz et de grès, de diverses grosseurs ; beaucoup
avaient plus d’un mètre de diamètre. Reconnaissant
que je me portais trop vers l’est, je cherchai à me rapprocher
de la mer, et je parcourus des plaines sablonneuses,
couvertes de plaques de mica dont beaucoup étaient plus
larges que ma main. Elles reflétaient fortement les rayons
du soleil qui, en ce moment, tombaient à plomb sur
elles. Enfin, j’aperçus un point qui se détachait de tout
ce qui l’environnait ; je pressai la marche de nos montures
déjà bien fatiguées, et je ne tardai pas à distinguer
de hauts palmiers s’élevant au-dessus d’un massif de
verdure. J avais devant moi, ce lieu où s’opéra un miracle
dont les effets existent encore aujourd’hui; ce fut
là que Moïse corrigea l’amertume des eaux qui devaient
désaltérer son peuple, et cela au moyen d’un certain
bois que le Seigneur lui montra... Ils arrivèrent à Mara
et ils ne pouvaient boire de l’eau de Mara, parce qu’elle