temps contraignit à chercher un refuge dans le réduit
où nous attendions que la pluie diminuât, afin de pouvoir
remonter en voiture. La pauvre petite reconnut son
ancien maître et se précipita dans ses bras. M. Zizinia ne
put se défendre d’une certaine émotion ‘ et nous vîmes
des larmes couler sûr ses joues. Il prodigua des caresses
à celle qui avait longtemps été sa protégée, et se promit
bien, après une rencontre aussi extraordinaire, de ne
cesser de l’entourer de soins, espérant que l’envie ne lui
prendrait plus de retourner au désert, M. de Lesseps
donna à cette gentille petite b ê te , à cette gazelle du
désert, le nom de Zizinie.
Malgré,que la pluie ne cessât guère, nous regagnâmes
notre vapeur où nous restâmes jusqu’après le déjeuner.
Le temps s étant Mors mis au beau, nous parcourûmes la
ville, pataugeant dans des flasques d’eau qui rendaient
les rues pour ainsi dire impraticables. Nous eûmes l’honneur
d’accompagner Son Altesse Royale dans une visite
qu elle fit à madame Siama. Nous fûmes reçus dans un
immense .et magnifique salon disposé à la turque. Nous
admirâmes dans 1 avant-cour, deux superbes sphynx en
beau granit de Syène, quelques fragments d’obélisques,
et des sarcophages, le tout provenant des ruines de l’ancienne
Taphnis.
Nous reçûmes une invitation pour assister le soir, à une
partie de danseuses, chéz notre vice-consul, M. Salamé.
J avais déjà eu occasion *de faire sa connaissance à
Alexandrie, lorsqu’il vint, y saluer Son Altesse Royale.
C’est un homme très-capable et qui jouit à Damiette
dune considération méritée. Resté veuf avec quatre enfants,
il s’appliqua à les bien élever et à leur donner
une solide éducation. Trois étaient encore à la maison;
un fils et deux filles. La plus jeune était d’une éclatante
beauté, et l on disait que dans son costume oriental
qu elle laissait cependant pour l’européen, elle était
ravissante. Il était déjà tard, lorsque MM. Zizinia, Eïd,
et moi, nous pûmes quittter le vapeur. Comme les
femmes n assistent pas à de semblables parties, les jeunes
personnes s étaient retirées dans leurs appartements, et
nous ne devions pas les voir. Jè demandai néanmoins à
leur être présenté. Le. père me dit que l’aînée était indisposée
et ne pourrait quitter la chambre, mais qu’il se
ferait un plaisir de nous amener la cadette, seulement
qu il faudrait un peu attendre, car n’espérant pas que
nous lui ferions l’honneur de la demander, elle s’était déjà
mise en déshabillé. Je manifestai alors le désir de la voir
dans son costume oriental. Après une attente un peu
longue, à la vérité, elle parut, et je dois déclarer que çe
q u e j’avais entendu dire de sa beauté, n’avait rien d’exagéré.
M. le vicomte Zizinia, sensible, impressionable
devant tout ce qui est beau, devant toutes les merveilles
de la création, resta muet, interdit: il m’avoua que la
vue de cette jeune fille lui fit l’effet d’une apparition d’un
de ces anges tels que nous nous les figurons comme étant