Après que nous eûmes contemple à notre aise cette
étonnante merveille qu’il n’est guère donné à un homme
dans ma position, de voir deux fois, nous pensâmes à
retourner au vapeur. Comme Son Altesse Royale qui
nous avait devancés, avait hâte de partir, nous dûmes
tellement nous presser, que nous faillîmes, plusieurs
fois, nous précipiter sur les rochers. Nos selles , sans
étriers, n’étaient fixées que par de mauvaises cordes;
le sol qui nous portait, formé en partie d’un minerai de
fer presque partout poli comme une glace, était extrêmement
glissant. Plus fatigués., brisés, qu’après plusieurs
jours de marches pénibles et forcées, nous arrivâmes au
vapeur, tout trempés par une abondante transpiration.
Ce fut la première, mais aussi l’unique fois, que je transpirai
en Egypte, où ceci n’arrive qu’après de violents
exercices. Malgré la haute température de ce pays, on
n’y éprouve pas ces étouffements, ces malaises qui, ic i,
pendant nos étés, nous accablent, nous abattent. Ce
n’est pas tant la chaleur qui produit chez nous ces effets,
que l’état électrique de l’atmosphère. En Egypte, les
causes de nature à produire de grandes perturbations dans
l’état électrique , ont peu d’activité ; aussi, les orages y
sont extrêment rares, et l’air qu’on y respire, quelque
soit son degré de température, laisse le corps frais et
dispos, si on sait se garantir des ardeurs du soleil.
La rive droite, particulièrement dans les environs de
Wadi-Halfah, offre un contraste frappant avec la gauche
qui est inculte et déserte, excepté dans un très-petit espace
où est situé Béhéni. Elle est bien cultivée; on y
voit beaucoup de dattiers, de doumiers. Les acacias, les
tamaris, sont moins nombreux, mais y atteignent un
fort développement. Le long des rochers, entre les
pierres, croissent une grande quantité de coloquintes et
l’oschour qui est une espèce d’asclépiade. Nous avons
vu la campagne couverte d’une belle moisson (dourrah,
doklien) et de plusieurs plantes potagères et fourragères
(navets, haricots ou lentilles, trèfle, fenu-grec, etc.).
Wadi-Halfah ressemble assez bien à Derr, mais sa population
ne s’élève pas à plus de trois cents habitants.
Depuis Assouan, c est le second endroit où nous avons
vu une mosquée un peu apparente, avec un petit minaret.
Celui de Derr est même moins haut, moins élégant.
Des vaches, des brebis, des chèvres, quelques buffles,
composent le bétail. Les chevaux, les ânes, ne sont pas
nombreux. Des cbameaux, des dromadaires, servent pour
les voyages.
Beaucoup de personnes croient que le chameau et le
dromadaire sont des animaux d’espèces différentes, que
le premier n’a qu’une bosse, que le second en a deux.
Elles sont dans une complète erreur; l’un et l’autre ne
Sont que des variétés d’une même espèce, et n’ont qu’une
seule bosse. La différence qui existe entre eux, est celle
que nous trouvons entre notre cheval de trait et celui de
selle. En effet, le chameau, plus fort, plus pesant, est