ment vrai, que la plupart des personnes qui possédaient
son portrait qu’elles avaient même eu soin de pla'cer dans
1 endroit le plus apparent de leur maison, s’empressaient
de le faire disparaître. Ainsi, du salon il passa dans une
chambre à coucher pour prendre place à côté d’autres
qui avaient éprouvé le même sort. Ce que j ’avance ici, je
1 ai vu et je puis le garantir. On croit donc être agréable-
au nouveau souverain en affectant la plus complète indifférence
pour son prédécesseur. Est-ce flatterie , èst-ce
prudence? Je n’oserais le décider; cependant, il est à
présumer qu’une semblable conduite, lorsqu’elle est pour
ainsi dire générale, est basée sur de puissantes raisons.
Comme j’avais beaucoup entendu parler des Psylles ou
charmeurs de serpents, je priai notre vice-consul, M.
Eïd, de me mettre en rapport avec un ou plusieurs de
ces hommes. Il me conduisit dans une petite et sale
maison où je trouvai un tout jeune garçon d’environ
dix-huit ans, qui exerçait, disait-on, cette industrie. Il
nous dit que, pour le moment, il n’avait aucun serpent
et ne savait pas où il pourrait s’en procurer. Il promit
cependant de satisfaire ma curiosité si je restais encore
quelques jours au Caire. Je n’eus ni le temps, ni le désir
de retourner m’assurer de son prétendu talent, car je me
persuadais que j avais affaire à un de ces individus qui ne
savent opérer des prodiges que devant des personnes
faciles à persuader. Cependant, M. Eïd m’assura que
rien n est plus réel que la puissance de ces hommes pour
reconnaître si des serpents se trouvent dans un endroit
et pour les attirer a eux. Il me cita des faits bien propres
à convaincre même un incrédule.
Un désastre irréparable et qui a causé la ruine de bien
des familles, est venu troubler la joie à laquelle se livrait
alors la population du Caire. Un terrible incendie causé
probablement par un des nombreux lampions qui brûlaient
sur la devanture de toutes les maisons, réduisit en
cendres une partie des bazars occupés par des marchands
chrétiens. Comme il arrive toujours en semblable circonstance
, ce sinistre fut attribué à la malveillance ; les
chrétiens prétendaient que l’incendie avait été allumé
par quelques musulmans fanatiques qui s’imaginaient que
le Vice-Roi faisant, à son avènement, un retour vers le
passé, cesserait de tolérer et de protéger les infidèles.
Ce qui venait appuyer de telles suppositions, c’est que
les gardiens des bâtiments incendiés ne furent pas à trouver;
il fallut donc forcer et renverser les portes. Pendant
ce temps, l’incendie fit de tels progrès, qu’il y eut
impossibilité de rien sauver , et qu’il ne resta que des
décombres et des morceaux de murs noircis. Parmi les
victimes de ce désastre, était une de nos connaissances.
La personne qui avait si obligeamment mis ses salons à la
disposition de M. Eïd pour notre soirée de danseuses et
de chant, éprouva des pertes tellement considérables,
qu elle ne s en relèvera peut-être jamais.
Le 23, dans 1 après-midi, nous eûmes l’honneur d’ac