que nous craignîmes de voir notre frêle embarcation se
briser ou chavirer. Pour comble de désagrément, le
gouvernail se cassa et tomba dans le fleuve. L’Arabe
chargé de la manoeuvre, voulant le rattraper, passa au-
dessus du bord et faillit se noyer. Il fut assez heureux,
néanmoins, pour saisir la main que lui tendait d’Oultre-
mont. Il ne s’agissait plus de continuer à descendre ; il
fallait remonter malgré la violence des courants. Nous
regrettâmes beaucoup le contretemps qui nous était arrivé,
car rien n’est plus pittoresque que tous ces rochers,
ces énormes blocs de granit, présentant les formes les
plus diverses et couverts d’hiéroglyphes et d’inscriptions.
Pour continuer notre voyage jusqu’à la seconde cataracte,
notre vapeur et la barque de Son Altesse Royale
devaient nécessairement franchir la première • mais leurs
dimensions, surtout à cette époque de l’année où les eaux
sont basses, ne permettaient pas cette entreprise. Heureusement,
nous rencontrâmes un petit vapeur du Vice-
Roi qui fut mis à la disposition de Son Altesse Royale.
Nous trouvâmes aussi une barque, peu convenable à la
vérité, mais dont il fallut bien se contenter. La manoeuvre
fut assez difficile, si.l’on considère que pour le
vapeur, huit cent cinquante hommes durent être employés.
Pour la barque, il n’en fallut que deux cents.
Si, en toutes saisons, une barque ordinaire peut franchir
la première cataracte, il n’en est pas de même pour un
vapeur, si petit qu’il soit. Les Nubiens nous ont assuré
ft
que le nôtre était le premier qu’ils voyaient entre les
deux cataractes.
Les bagages, les provisions, une partie du mobilier,
durent être transportés à dos de chameaux, d’Assouan à
l’embarcadère situé devant l’île de Philoe. Toute la journée
fut employée à cette opération.
En attendant les montures qui devaient nous ramener
à Assouaii, nous nous reposâmes à l’ombre d’un énorme
sycomore, entre la rive et le couvent. Les bons pères
eurent l’obligeance de nous envoyer des chaises.
Nous ne suivîmes d’abord pas la même route que le
matin ; nous longeâmes la rive du fleuve jusqu’à un village
situé dans une assez large plaine toute couverte de •
tentes, de ballots, etc., etc. C’est là que s’arrêtent, pour
ne pas devoir franchir toute la cataracte, le plus grand
nombre des barques qui descendent le Nil.et en destination
pour Assouan, de sorte que ce village peut en être
considéré comme le port principal. Parmi lês étrangers
que nous avons vus en cet endroit, il se trouvait bien des
types différents. Quelques-uns étaient presque entièrement
noirs et se rapprochaient beaucoup du nègre.
Plusieurs hommes de la vallée du Nil, au-dessus de la
seconde cataracte, avaient le pavillon de l’oreille droite
percé d’un anneau en argent. Je dois dire que dans
quelques endroits de la Haute-Égypte, j’ai remarqué le
même genre d’ornement. Ainsi, la petite fille de Thèbes
qui ramassait pour moi des fossiles , outre des anneaux