La ville devait être très-peuplée, si nous en jugeons
par sa nécropole composée d’un nombre prodigieux de
catacombes et de souterrains creusés dans les montagnes
de grès voisines.
» Les Égyptiens ne regardaient les maisons des villes
que comme des demeures d’un jour, où le pèlerin s’arrête
en passant ; aussi ne se donnaient-ils pas la peine de les
orner et de les embellir ; mais les demeures des morts,
creusées dans les entrailles des monts et devant servir de
séjour à l’âme aussi longtemps que subsisteraient les
débris du corps, étaient ornées, travaillées avec -le plus
grand soin ; aussi les monuments souterrains de l’Égypte,
surpassent les édifices qui s’élèvent sur la terre, en
nombre, en richesses, en ornement et en luxe, comme
les hypogées de la Thébaïde nous en offrent un remarquable
exemple. On trouve dans les carrières et les souterrains
d’El-Kab, un grand nombre de momies que Belzoni prétend
venir de paysans ; on y voit aussi une foule d’autres
curiosités, par exemple, deux grottes sépulcrales qui
contiennent de magnifiques peintures, comparables à celles
de Thèbes ; elles ne représentent pas, comme toutes
celles que l’on voit dans les femples et les palais, des
sujets religieux ou guerriers, mais une foule de scènes
variées tirées de la vie civile des Égyptiens, et qui reproduisent
sous nos yeux, tous les détails de la vie domestique
des habitants du Nil. Ce ne sont que deux petites
grottes de vingt-quatre pieds de longueur et moitié de
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largeur’ taillées dans le roc et ornées, par amour pour la
mémoire des morts,, de tous les détails de la vie domestique.
On y voit représentés tous les travaux de l’agriculture,
le labour, la herse, les semailles, la moisson, la
manière de battre les blés, de les rassembler en monceaux,
et d’inscrire sur- un registre le nombre des tas. D’autres
personnages se livrent à la pêche et à la chasse ; d’autres
salent les viandes, font des vendanges, mettent le vin en
tonnes ; puis, on voit les détails de la vie pastorale, le
retour et le soin des- troupeaux, la navigation, les manoeuvres,
les voiles et les rames ; plus loin, sont d’autres
travaux, toutes les espèces d’industrie et de métiers, et
enfin, la musique, la danse, les funérailles et la manière
d’embaumer les momies. Toutes les figures sont couvertes
de costumes divers, selon les conditions et le sexe ; les
femmes, par exemple, sont représentées sans voile, et on
voit qu’elles n’étaient pas séparées des hommes dans la
vie civile, comme elles le furent plus tard dans l’Orient.
A chaque travail préside un chef qui se distingue des
autres par un air de supériorité et de dignité ; les tableaux
sont expliqués par des hiéroglyphes, et peints des plus
fraîches couleurs : ces images que des milliers d’années
n’ont pas effacées, ont conservé à la contemplation de la
postérité, ce que l’histoire a passé sous silence, et ce que
l’oeuvre des révolutions et des temps a détruit. » (i)
(i) Saint-Genis, Description des ruines d’EI-Kab ; Costaz, Mémoires
sur les grottes d’Êléthya ; Karl-Ritter, Géographie générale comparée.