Vexpédition française en È g y p t e » Bonaparte avait jeté
les yeux sur son port, sur sa rade; Suez était pour lui
le chiffre connu d’une équation gigantesque : il voulait
par une création merveilleuse, creuser sur cette terre
égyptienne, le tombeau du commerce anglais. La chose
est grande, disait-il, aux savants qui l’accompagnaient ;
forcez le gouvernement turc à trouver dans l’exécution de
ce projet, et son intérêt et sa gloire. Animés par ces
paroles puissantes, les membres de l’Institut, les géographes
et les artistes qui avaient accompagné le général
en chef dans cette excursion, commencèrent leurs premiers
travaux de reconnaissance et de nivellement... Tel
est l’aspect général de l’Isthme que nos savants devaient
arpenter dans toutes les directions (i). «
Le chalet domine la mer dont il n’est séparé que par
une langue de terre, espèce de presqu’île sur laquelle
Suez est bâti. Il a été construit en Amérique, et est
commodément disposé en un rez-de-chaussée et un étage.
Il est en bois, mais posé sur des fondements en maçonnerie.
Le soir, Son Altesse Royale réunit à sa table , M. de
Lesseps, quelques employés supérieurs de la Compagnie
qui nous avaient accompagnés, notre agent consulaire
M. Nasrala-Zuhr, et M. West vice-consul d’Angleterre.
Ce dernier présenta à Son Altesse Royale et nous fît
(1) Tomé IV, chap. 7.
goûter, de l’eau de la mer qu’il prétendait avoir rendue
potable au moyen d’un système particulier de distillation.
Il voulait ainsi prouver qu’il'n ’était pas besoin du canal
d’eau douce pour donner à Suez, l’eau qui lui manque.
Comme on le sait, Suez; est;entièrement privé d’eau potable;
on doit;, chaque jour, lui en amener du Caire,
par un train spécial composé de wagons-citernes dont la
partie inférieure est remplie d’eau. Mais cette eau du
Caire, de même, que celle que le système de M. West
pourrait procurer , ne saurait pourvoir qu’aux besoins
domestiques, et ne rendra jamais au sol son ancienne
fertilité. Suez et les environs sont dépourvus de toute
espèce de. végétaux ; on; n’y voit que l’eau de la mer, du
sable et des pierres. Le, canal en amenant l’eau douce,
sans peine., sans travail , permettra d’établir partout des
rigoles d’irrigation qui fertiliseront la terre et la couvriront
bientôt d’une couche de limon. Ceci n’est point une
vaine espérance ; on verra plus loin, ce qu’un peu d’eau
douce peut produire au milieu des déserts. Des bouquets
de verdure indiquent sûrement une ou plusieurs sources ;
où vous voyez le sol nu et aride, il est inutile de vous
y arrêter, vous ne trouverez pas d’eau.
L’eau de M. West n’est cependant pas à dédaigner :
on doit lui savoir gré de ses essais pour procurer à une
localité qu’il habite, l’eau douce dont le besoin, malgré
les convois spéciaux venant du Caire, se fait souvent
sentir. Mais je dois le déclarer en toute sincérité, elle