mon café, une jeune fille voilée, mais pas assez (i) pour
que je ne pusse bien voir sa figure belle et expressive,
vint me présenter un bouquet de fleurs qui exhalaient
une odeur délicieuse. Je l’ai conservé comme souvenir de
ce pèlerinage, et je puis dire qu’aujourd’hui encore, il
n’a pas perdu son parfum. Après avoir rempli d’eau une
bouteille dont je m’étais muni, je pris congé de ces
bonnes gens qui m’avaient si bien accueilli, et je' remis
à un tout jeune enfant, un petit cadeau que jreus bien
de la peine à faire accepter.
■Arrivé à l’endroit où j ’avais laissé la barque, je ne
la trouvai plus. A cause de la marée descendante, elle
avait dû s’éloigner beaucoup du bord, de sorte que je
traversai, partie sur ma monture, partie porté par deux
hommes, l’espace qui m’en séparait.
Ce n’est pas sans un profond étonnement que je lis
ce qui su it, dans l’Itinéraire de l’Orient (2) : » Les fontaines
de Moïse, Aïoun-Mouça (ou, comme on dit communément,
la fontaine de Moïse, AïnMouça), est un des
lieux les plus renommés et les plus connus de toute cette
plage. C’est up groupe de sources ombragées d’une
vingtaine de palmiers rabougris, à trente minutes de la
côte. L’eau en est saumâtre... De Aïn-Mouça à Suez,
(1) Le voile, en Orient, n’empêche pas les femmes jeunes et belles de
trouver moyen de laisser voir leur figure ; les vieilles et les laides, seules,
se conforment rigoureusement à l’usage et aux préceptes du Coran. Les
femmes, sous ce rapport, sont les mêmes partout.
(2) Page 896. Édition de l’année 1861.
toujours en suivant la côte, six heures trente minutes. »
Evidemment, celui qui a fourni ces renseignements n’a
jamais vu les fontaines de Moïse; je maintiens donc
comme étant l’expression de l’exacte vérité, la descrip-
tioi) que je viens de donner. Ce qui prouve encore que
l’auteur de cette note ne s’est jamais trouvé sur les lieux,
c’est qu’il place ces fontaines à six heures trente minutes
de Suez, tandis qu’elles n’en sont éloignées que d’environ
quatre heures. Il n’est pas vrai, du tout, que les eaux
en sont ce qu’on peut appeler saumâtres ; je ne puis
conserver de doute à cet égard. Un témoignage irréfragable
de ce que j ’avance, c’est la belle végétation qu’elles
produisent et entretiennent g végétation qui manque ou
est chétive, partout où il n’y a que des eaux réellement
saumâtres. Suez est un exemple frappant de cette vérité :
on n’y voit, je le répète, que du sable, des pierres, et
pas la moindre apparencë de végétation. Je dois aussi
signaler une autre inexactitude qui se trouve dans le
même ouvrage. Le Mara de la Bible est désigné comme
étant un lieu distinct de celui des fontaines, et correspondrait
à Aïn-Hawârah, situé à vingt-trois lieues de
Suez, à trente au moins de Phihahiroth. Cette donnée
est en opposition formelle avec le texte de la Bible.
Nous y voyons que les Israélites arrivèrent à Mara le
troisième jour après le passage de la mer Rouge, ce qui
aurait été impossible, s’il avait dû se trouver à une aussi
grande distance, tandis que les fontaines sont réellement
bien à trois journées de marche de Phihahiroth.