la traversée et avant d’avoir pu revoir son pays natal, et
la malheureuse veuve, désolée, dut retourner avec ses
filles à Batavia, qu’elle regrettait d’avoir quitté.
Pendant la traversée, je me liai avec une aimable famille,
celle de M. Sabattier, ancien consul général, qui se
rendait a Alexandrie avec sa femme,- ses deux petites filles
et, une gouvernante. Nos entretiens roulèrent sur une
infinité de choses, et en débarquant, nous pensions bien
ne plus nous revoir; mais quel fut notre étonnement de
nous retrouver dans la même maison. M. Sabattier était le
beau-frère de M. le comte Zizinia, notre consul général en
Egypte, chez lequel je recevais l’hospitalité à Alexandrie.
^ Une particularité assez plaisante signala mon installation
sur le vapeur. L’employé chargé de caser les passagers,
voyant sur mon bulletin que j’avais le n° 8,' et, dans
son empressement, perdant de vue que c’était pour une
cabine de salon, me conduisit dans le compartiment des
cabines à quatre lits, et voulut absolument me placer dans
celle nos 5, 6, 7 et 8. Le n° 8 était, à la vérité, libre,
mais les trois autres étaient occupés par des dames. Après
m être amusé un instant, je dus me fâcher, et je fus mis
enfin en possession de la place qui m’était assignée, dans
une magnifique cabine de salon, n» 7 et 8. Le hasard me
favorisa sous le rapport de mon compagnon de cabine; je
me trouvai avec M. Brugman de Bruxelles, qui allait
faire le voyage du Nil, et que j ’eus le plaisir de rencontrer
plusieurs fois pendant nos diverses excursions.
En quittant le port de Marseille, rien de plus pittoresque
que la vue qu’on laisse derrière soi. Les maisons,
les monuments, en pierre blanche ; dans le fond et vers le
levant, d’immenses cônes blanchâtres, derniers prolongements
des Alpes ; un entrelacement de bouquets de la plus
belle verdure ; tout cela forme un spectacle réellement
admirable. Sur le point le plus élevé et dominant le port,
Notre-Dame de la Garde semble rappeler aux marins
qu’une puissante protectrice veille sur eux. En général,
ces hommes aussi religieux qu’ils sont dévoués, ne quittent
jamais le port sans s’être recommandés à celle qu’ils
considèrent comme leur patronne, car sous une écorce
souvent grossière en apparence, ils recèlent dè nobles et
touchantes qualités.
La -belle église de Notre-Dame de la Garde est le dernier
objet qui s’offre à nos regards ;, on la voit encore après
plusieurs heures de navigation.
Nous passâmes en vue de Toulon, dont nous apper-
çùmes le port. Les îles d’Hyères sont plus près de nous
encore, mais l’obscurité ne nous permet guère de les distinguer.
Dans le courant du second jour, en traversant le
détroit de Bonifacio, nous vîmes les côtes de la Corse et
de la Sardaigne.
La mer devient mauvaise ; le bâtiment est fortement
secoué; tous les objets sont renversés, et il est nécessaire
de placer le violon sur les tables de la salle à manger.
Beaucoup de passagers souffrent du mal de mer. En