du Sultan u^Ioukajet. Parmi un tas de décombres, on
.admire encore ses nombreuses et magnifiques cçlonnes
surmontées de chapiteaux ornés de sculptures les plus
fines, les plus gracieuses. Plusieurs de ces colonnes dont on
voit des fragments épars sur le sol, ont été remplacées par
des grossiers piliers en maçonnerie deforme carrée.
Le 15, dans la matinée, je me rendis avec notre
complaisant ami, M. Eïd, aux tombeaux des Mamelouks.
Nous sortîmes de la ville en laissant sur notre gauche,
la citadelle et le mont Mokattam. Tout le terrain que
nous parcourûmes jusqua la mosquée de lTman-Chafey,
est ce qu’on nomme /« ville des morts. C’est un vaste
cimetière recouvert de tombes sur un grand nombre
desquelles s’élèvent des monuments de formes et de grandeurs
diverses. La plupart de ces monuments sont des
dômes ou des minarets plus ou moins élégants. Des
enclos de murailles sont réservés pour la sépulture de
certaines familles. Les tombes des personnes peu ou point
•fortunées, consistent en un petit tertre surmonté d’une
ou plusieurs pierres qui ne sont pas même taillées. Ces
pierres ordinairement plates, peu larges, s’élèvent .à
une hauteur d’un à trois pieds. Le sol est un sable d’un
blanc jaunâtre ; les pierres placées sur les tombes, celles
dont on construit les monuments, sont un calcaire grossier
de couleur blanchâtre, de sorte que ce cimetière présente
un aspect éblouissant, d’autant plus frappant que son
étendue est très-grande. Cette étendue résulte de la
coutume qu’ont les Mahométans de ne jamais détruire les
tombes, chaque homme devant, d’après une prescription
du Coran, toujours conservería sienne. Une telle prescription
est, il faut en convenir, d’une observation facile dans
des pays où on trouve peu d’habitants et qui sont couverts
d’immenses déserts. Dans toutes les parties de l’Orient que
j ’ai visitées, les cimetières ont cette teinte blanchâtre qui lea
fait paraître comme recouverts d’un vaste linceul, et il a
dû toujours en être ainsi, la nature du sol le témoigne.
Nous trouvons dans cet aspect des cimetières des
Orientaux, l’explication de la qualification de sépulcres
blanchis que Jésus donnait aux scribes et aux pharisiens,
lorsqu’il leur reprochait leur hypocrisie Malheur
à vous scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous
êtes semblables à des sépulcres blanchis qui au dehors
paraissent beaux aux yeux des hommes, mais au dedans
'sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture.
Ainsi, au dehors vous paraissez justes aux yeux des
hommes,mais au dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité.
Yæ vobis, scribæ et pharisæi hypocritæ, quia simi-
les estis sepulcris dealbatis, quæ aforis parent hominibus
speciosa, intus vero plena sunt ossibus mortuorum et omni
spurcitia. Sic et vos aforis quidem paretis hominibus justi,
intus autem pleni estis hypocrisi et iniquitate (i).
(t) Saint Mathieu , ohap. 23 , vers. 27-28. Traduction en français du texte
de la Vulgate. Liège, 1702.