témoignée par la famille royale, car nous allions nous
aventurer au milieu de déserts où, seul, à 1 aide de mes
seules lumières, je devais parer à toutes les éventualités,
répondre de la santé, de la vie de celui en qui la Belgique
avait placé ses plus chères espérances. Un médecin qui a
rempli une semblable mission, doit pouvoir se dire -.je n'ai
‘plus rien à désirer.
N’ayant pu partir avec Son Altesse Royale, je devais la
rejoindre à Alexandrie. Après avoir embrassé ma femme,
mes enfants, ce que je fis avec un serrement de coeur qui
avait bien sa signification, car parmi ces êtres chéris, il
s’en trouvait un que je ne devais plus revoir; après avoir
été presser la main de mes bons amis, je me rendis à
Bruxelles, où j’eus l’honneur d’être reçu par Son Altesse
Royale et Impériale Madame la Duchesse de Brabant.
J ’arrivai à Marseille le 17 novembre, et, le 19, je pris
place à bord du Duplex, paquebot des Messageries impériales,
sous le commandement du capitaine Bourdon. Nous
quittâmes le port à trois heures quarante minutes du soir,
nous confiant à une mer qui, pour beaucoup d’entre nous,
n’avait rien de trop rassurant.
N ous étions environ cent trente passagers. Plusieurs Anglais
se rendaient ou retournaient aux Indes (Calcutta, Madras,
Pondichery, Singapore, Batavia). Un officier français allait
en Chine,rejoindre son régiment. Deux soeursde charité, venant
deParis, étaient attendues à Singapore, où elles avaient
une maison de leur ordre. L’une paraissait très-jeune, et
néanmoins c’était avec un courage et une résignation admirables,
qu’elle se dévouait, car elle n’ignorait pas qu’elle
allait affronter tous les dangers qui attendent les Européens
dans ces contrées lointaines, où des influences cli-
matériques délétères déterminent des maladies meurtrières,
même parmi ceux qui sont acclimatés. L amour de Dieu
et du prochain, l’abnégation de soi-même, le dédain de
toutes les jouissances de la vie, peuvent seuls produire de
tels dévouements que, tous, nous ne savions assez admirer.
Lord Paget, général qui a joué un rôle important dans
l’armée anglaise pendant la guerre de Crimée, allait,
accompagné de sa femme et d’une suite nombreuse, prendre
aux Indes possession d’un gouvernement.
Une rencontre qui m’a été particulièrement agréable fut
celle d’un compatriote, M. Boutmy, résidant à Batavia,
où il occupe une haute position administrative. Ami d un
grand nombre de notabilités belges, il en emportait de
touchants et affectueux souvenirs: Il avait pris sous' sa
protection une jeune dame qui retournait à Batavia avec
deux de ses enfants. Cette dame, issue d’une famille chinoise
établie à Batavia, avait épousé un Hollandais. Voulant
placer à Amsterdam les aînés de leurs enfants, deux
fils qu’ils désiraient former aux moeurs et aux usages
européens, ils avaient pris place sur un bateau à voiles
qui resta plus de six mois en mer. Ils avaient aussi avec
eux leurs autres enfants, qui étaient-deux petites filles. Ce
voyage fut fatal à cette famille : le père mourut pendant