
pour empêcher que notre quartier ne fût dans Ta
suite assailli par ces mendians , iis payèrent des
soldats qu ils placèrent à l’entrée des rues pour
leur en interdire l’entrée.
La pauvreté se montre à la Chine sous des
dehors extrêmement hideux : on en aura l’idée en
se représentant un mauvais petit bateau contenant
une famille entière, composée du père, de la mère
et de plusieurs enfàns , à peine couverts de mér
chans lambeaux, et attestant par leurs figures
tristes et décharnées les besoins les plus urgens.
Ces malheureux n’ont d’autre occupation à Wain-
pou que de ramasser sur la rivière les bouts de
cordes et les bagatelles qui tombent des navires;
et iis periroient de faim si les matelots ne se pri-
voient souvent dune portion de leur nourriture
pour la partager avec eux : aussi y en a-t-il beaucoup
qui rodent sans cesse autour des bâtimens en
demandant l’aumône, et recevant avec avidité tout
ce qu’on leur donne.
Les mendians qu’on trouve dans les rues de
Quanton font horreur à voir : quelques-uns ont
perdu des doigts et même des membres, par la
lèpre ou par suite de maladies. Hardis et insolens- »
ils vous importunent jusqu’à ce qu’ils aient obtenu
quelque chose ,-et vont même jusqu’à vous saisir
la main. Pour s’en délivrer , le mieux est d’entrer
dans une boutique , d’où on leur fait donner
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l’aumône, l’usage étant qu’aussitôt qu’ils ont reçu la
moindre bagatelle en riz ou en argent, ils doivent
se retirer.
Plusieurs, écrivains prétendent qu’à la Chine le
gouvernement défend de mendier ; cependant les
Chinois de Quanton ne m’ont jamais parlé de cette
défense ; ils ont même l’habitude de faire de temps
en temps quelques distributions en riz ou en
argent, mais malheureusement ils les font trop
médiocres.
J’ai rencontré des mendians dans mon voyage ,
soit sur les chemins, soit à l’approche des villes ;
Huttner , dans sa relation , dit que les rues de
Péking en sont remplies : cela peut être, car nous
avons vu, en traversant la capitale, bien des gens
mai vêtus, et qui probablement auroient reçu volontiers
quelque aumône.
Les Anglois ajoutent que dans la Tartarie ils
ont rencontré des pauvres : il est à croire, en effet,
que l’on doit en trouver dans un pays où les vivres
ne sont pas en abondance ; cependant leur nombre
ne peut être considérable, puisque le gouvernement
rie les soulageant point et ne faisant que les
tolérer, la disette et la misère doivent nécessairement
en détruire la plus grande partie.