Espagnols qui apportaient des cargaisons cfe rirf
àJVIacao ou à Quanton,
II résulte donc de tout ce que nous venons
de dire > que la Chine, entourée de montagnes
impraticables ou de peuples errans , vivant sous
des tentes, et ne s'occupant que de leurs troupeaux
et fort peu d’agriculture, ne peut attendre
aucun secours alimentaire des pays qui l’environnent
, et qu’elle est obligée de tirer d’elle-même
sa subsistance et de vivre de ses propres ressources.
Le gouvernement en est tellement persuadé, qu’il
a fait construire de grands magasins pour conserver
les grains. On en voit de considérables à
Peking et à Tong-tcheou pour subvenir aux besoins
de la capitale. II y en a aussi dans; chaque
province ; mais ces magasins sont mal administrés :
les préposés , sous prétexte de prévenir la détérioration
du riz que l’on y tient en réserve, sollicitent
et obtiennent presque toujours la permission
de le vendre , avec l’injonction seulement de
le remplacer par du nouveau après la moisson.
Mais, s’il arrive que la récolte ne soit pas bonne ,
car le riz est sujet à manquer, il n’est plus possible
de remplir les magasins ; ils se trouvent vides alors,
et dans les temps de disette le peuple n’en peut
tirer aucun secours. Cependant , quand même
on supposeroit ces magasins bien administrés ,
comme ils ne doivent contenir que le dixième de
la
SUR LE S CHINOI S . 6$
la récolte, et comme on prélève sur ce dixième la
paye des mandarins et des soldats, le surplus ne
pourroit nullement suffire aux besoins des habi-
tans : par conséquent les vues du gouvernement
ne sont pas remplies, et ses précautions deviennent
insuffisantes. Quant aux secours que les provinces
peuvent se donner les unes aux autres, c’est fort
peu de chose. Les Chinois ne cultivent ordinairement
que ce qui est indispensable pour leur propre
consommation, et non pour se procurer un excédant
qu’ils puissent mettre en réserve, et vendre
ensuite dans certaines circonstances : ainsi chaque
canton n’a que son nécessaire , et ne peut rien
donner à ses voisins.
Ce qui contribue encore à enlever à la nourriture
des hommes une portion considérable de
grains, c’est la grande consommation qu’on en fait
dans la fabrication des eaux-de-vie ; car, malgré
les ordonnances réitérées de la cour pour prohiber
iCette fabrication, on ne cesse de distiller des grains.
Toutes ces causes réunies occasionnent quelquefois
de terribles famines, qui dépeuplent la moitié
des provinces : les pères exposent alors, vendent ou
tuent leurs enfans ; des milliers d’hommes périssent,
et se mangent même les uns les autres, ainsi que
cela est arrivé dans le Chan-tong en 1786 (a).
(a) Lettre de M. Raux, missionnaire à Peking.
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