
D é t a i l d ’u n e a f f a i r e s u r v e n u e e n t r e l e s E u r o p é e n s
e t l e s C h i n o i s , e n 1 7 8 4 , a l ’o c c a s i o n d e d e u x
h o m m e s t u é s à W a m p o u p a r u n c o u p d e c a n o n .
A pr è s avoir parlé de la manière dont les étrangers
sont reçus k la Chine, et du commerce qu ils
y font, il est, je crois, nécessaire de relater un événement
d’autant plus important pour tous ceux qui
fréquentent Quanton, qu’il les mettra à même de
connoître les Chinois , et leur fera comprendre
combien il est de ia prudence d’éviter toute discussion
avec eux. Le fait dont je vais parler étant
totalement défiguré dans le rapport quen a fait
fauteur du voyage de M. de la Pérouse ( a ) , je
vais raconter ce dont j’ai ete le témoin.
Plusieurs étrangers étant venus dîner (le z i novembre
1784.), à bord d’un navire Anglois appartenant
au commerce particulier de l’Inde , le capitaine
William ordonna de les saluer k leur départ.
Au moment de tirer, le canonnier qui étoit Manil-
lois , avertit les Chinois d’un champan, qui étoit
occupé k charger le long du bâtiment, de s éloigner
, et tira le premier coup du bord opposé :
le champan n’étant pas encore assez en arrière,
il tira le second coup du même côté , et s arrêta
avant de faire partir le troisième. L’officier Anglois
voyant que le canonnier tardoit, lui en demanda
la raison ; e t , sur la réponse que lui fit
celui - c i , qu’il y avoit un champan devant lu i,
l’officier le força, par des menaces, de tirer sans
délai. Le coup en partant mit le feu au champan,,
blessa mortellement un Chinois , et en brûla un
autre. Deux femmes qui étoient dans le bateau se
mirent k crier ; et pour exciter leurs enfans k faire
de'même, elles les battirent : une d’elles se jeta
même dans l’eau, mais on l’en retira heureusement..
On fit venir sur-le-champ des chirurgiens , les
soins furent prodigués , néanmoins les Chinois
moururent. Le capitaine Anglois en étant informé
vint trouver M. Dordelin , commandant le vaisseau
François le Triton , et lui demanda son avis.
Celui-ci, accoutumé depuis long-temps aux usages
de la Chine, et prévoyant ce qui pouvoit arriver de
fâcheux, engagea le capitaine k envoyer chercher,
sur - le - champ , k Quanton , son subrécargue
M. Smith, k descendre pendant la nuit, k la tête
de la rade, et k s’en aller ; l’assurant qu’une fois
qu’il seroit dehors , l’affaire s’arrangeroit plus facilement.
M. Smith , averti k temps , ne suivit pas
ce sage conseil, et crut devoir se fier.aux Chinois,
qui lui dirent qu’il n’arriveroit rien , et que l’on
ne verroit en cela qu’un pur accident. Cependant
des soldats Chinois et quelques mandarins
ne tardèrent pas k s’approcher de nos quartiers ,