
soldats chacun, ce qui ne donne que dix mille
hommes. En adoptant donc ce dernier nombre ,
et par conséquent quatre-vingt mille pour les huit
bannières , on est encore loin des cent soixante
mille que l’on suppose à Peking ; mais ce qui
prouve encore mieux l’erreur de ce compte, c’est
que Kang-hy, allant à la poursuite du roi des Eleuths,
n’avoit avec lui que vingt mille soldats effectifs ,
outre un corps de troupes qu’il avoit envoyé d’un
autre côté, et qui pouvoit porter l’armée entière à
trente mille hommes. L’empereur même, avant de
partir, avoit fait publier dans Peking, que tous ceux
qui viendroient servir à l’armée à leurs frais, y se-
roient bien reçus. Ce passage démontre évidemment
que , soit à Peking, soit dans les environs , les
troupes ne sont pas aussi nombreuses qu’on le dit.
Mais, si dans mon voyage j’ai vu peu d’infanterie,
j’ai rencontré encore bien moins de cavalerie. Les
Anglois conviennent eux-mêmes que rien ne les a
portés à croire que la cavalerie Chinoise pût s’élever
à huit cent mille hommes : ce nombre paroît prodigieusement
exagéré, lorsque l’on considère que
les chevaux ne sont pas communs à la Chine ;
ce qui est assez croyable, puisqu’un bon cheval
à Peking se vend de cinq à six cents livres et
même plus. L’empereur possède (a) , suivant lest
missionnaires qui ont été en Tartarie, deux cent
trente haras , chacun de trois cents cavales, et
| poulains au-dessous de trois ans, et trente-deux
‘ haras de trois cents chevaux hongres ; ce qui ne
feroit que neuf mille six cents chevaux hongres,
nombre bien foible pour remonter les huit bannières
: cependant il doit suffire et au-delà, puisque
les mêmes écrivains disent que les chevaux
dont 1 empereur n a pas besoin , sont donnés au
tribunal directeur des postes et des soldats.
Voilà un état de chevaux qui diminue beaucoup
la cavalerie Chinoise ; et quand même on porteroit
au double le nombre de ceux qui appartiennent à
1 empereur, cela ne feroit pas une cavalerie formidable.
II est vrai qu’on doit tirer des chevaux
de I intérieur de la Chine ; mais ce n’est qu’avec
peine qu on peut s en procurer un certain nombre, '
à cause de la disette des pâturages.
Un fait arrive sous Kang-hy vient encore à
1 appui de cette assertion. L’empereur ayant appris
que ses soldats allant à la guerre ne trouvoient des
chevaux qu’à un prix excessif, permit de prendre
tous ceux qui seraient hors de la ville Tartare,
en payant vingt taels [ i 50 fiv. ] pour un cheval
gras, et douze taels [90 liv.] pour un maigre. On
enleva tous les chevaux des particuliers, et même
ceux des mandarins , qu’on força ainsi d’aller à
pied. Ils s’en plaignirent à Kang-hy qui défendit