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3 4 PREMIÈRE PARTIE — CHAPITRE 111
lire, dans cette langue, au moins des descriptions. Un
Anglais saura un peu de français ou d'allemand, un Allemand
connaîtra plus ou moins le français ou l'anglais, et
un Français de nos jours, assez diiïerent de ses prédécesseurs,
saura quelque chose de l'une des deux autres
langues les plus répandues. Un Hollandais, un Italien,
un Danois, un Russe, etc., saura certainement une ou
deux des trois langues principales. Donc, si l'on suppose
qu'il existe et qu'il se publie à peu près autant de livres de
botanique dans chacune de ces trois langues principales,
les botanistes peuvent en lire à peu près la moitié,
mais tous ne comprennent pas cette moitié complètement.
Au contraire, il y a une langue, le latin, que tous ou
presque tous apprennent au collège et dont il leur reste
assez de connaissance pour pouvoir plus tard lire des
descriptions. Un botaniste a-t-il été élevé en dehors des
études classiques, il lui faut bien peu de temps pour
apprendre le latin des livres de botanique. C'est un
mois de travail pour un Italien, deux mois pour un
Français, trois pour un Anglais, quatre pour un Allemand
ou un Suédois, etc., à supposer que ceux-ci ne
sachent pas déjà une des langues d'origine latine.
Ainsi, les trois quarts ou les neuf dixièmes des botanistes
lisent ordinairement les descriptions latines, et
les autres peuvent y arriver quand ils le veulent. C'est
donc le latin qui donne la plus grande publicité.
Il a plusieurs autres avantages, du moins pour les
descriptions.
Le latin des botanistes n'est pas cette langue obscure
et à réticences de Tacite, obscure et à périodes pompeuses
de Cicéron, obscure et à grâces tortillées d'Horace
qu'on nous fait apprendre au collège. Ce n'est pas même
MANIERE DE PRÉPARER LES OUVRAGES DE BOTANIQUE 35
le langage plus sobre et plus clair d'un naturaliste tel
que Pline. C'est le latin arrangé par Linné à l'usage des
descriptions et, j'oserai dire, à l'usage de ceux qui n'aiment
ni les complications grammaticales, ni les phrases
disposées sens dessus dessous, ni les parenthèses
enchâssées dans les phrases (1). J'expliquerai ailleurs
de quel latin, tout à fait pur, s'est rapproché l'illustre
Suédois, latin sans fautes, mais assez différent de celui
des classiques. Personne ne peut en traduire une phrase
de plusieurs manières, comme cela arrive pour les
auteurs anciens, dont l'histoire littéraire est curieuse
sous ce point de vue. Jamais, en effet, un amateur
n'est content des innombrables traductions d'Horace.
Il en espère toujours une meilleure. Souvent il essaye
de la faire lui-même. Preuve que les phrases du poète
brillent, pour ainsi dire, par plusieurs facettes. Chacune
renvoie une couleur. En d'autres termes, chaque lecteur
ne saisit qu'un des sens. Faites traduire un passage de
Linné par vingt botanistes, ils ne trouveront qu'un seul
sens.
Ma conclusion est de continuer l'usage du latin de
Linné dans les descriptions. Une langue aussi universelle,
aussi précise, aussi bien adaptée par un homme de génie
aux besoins de la science ne doit pas être abandonnée.
Nous verrons, au surplus, qu'on s'est mal trouvé
des langues modernes dans certains cas et pour certaines
catégories de descriptions.
Quand il s'agit de discussions, de raisonnements, Linné
(1) Je suis bien éloigné de vouloir l'abandon du latin dans les collèges. Au
contraire, son étude me parait très utile au point de vue philologique et à
cause delà quantité de livres modernes rédigés dans cette langue; mais les
professeurs devraient dire souvent aux élèves : Prenez garde d'écrire d'une
manière aussi obscure, ou aussi verbeuse, ou aussi prétentieuse, dans votre
propre langue. Et encore : dans telle phrase il y a trois sens, quatre sens ;
ceux de vous qui les trouveront auront une bonne note.
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