PREMIÈRE PARTIE — CHAPITRE XVIII
faut vraimont être doué d'une manière exooptionnelle
pour ecrire avec soin dans un milieu si agité. Lindley,
dont je parlais tout à l'heure, improvisiiit de bonnes rédactions
dans le bureau d'une grande société dont il
était secrétaire. Je le comparais alors à AValter Scott
écrivant ses romans sur sa table de g-refiier d'un tribunal,
pendant les plaidoiries.
L'allemand ne m'est pas assez connu pour que je
puisse juger du style de ses écrivains. Les difficultés que
cette langue présente aux étrangers viennent de la construction
des phrases et des mots, tantôt composés et
tantôt décomposés. Les premiers, d'une longueur parfois
extraordinaire, sont des inversions dans une phrase
déjà renversée, ce qui complique singulièrement. Los
inversions ne sont pas favorables à la clarté, mais il faut
reconnaître qu'elles ne sont pas toujours-imposées dans
les langues qui les comportent. En latin, Pline en faisait
peu, et j'ai observé que les Allemands, dans la conversation,
font aussi des phrases directes, assez courtes. S'ils
se mettaient à écrire comme ils parlent, les étrangers leur
en sauraient beaucoup de gré. Chez eux, les hommes de
lettres, surtout les journalistes, inclinent dans ce sens,
mais pas les botanistes. Il semble même que ceux-ci
augmentent la longueur de leurs mots. Dernièrement,
après avoir lu deux pages sur l'anatomie et m'être senti
la tête un peu fatiguée par la fréquence do mots tels
que Sderencliymfasergmppen, Cjefclsshmclentwicklung,
EntioicUungseigentlmmlichlieit, je me demandais si
c'est bien d'un bon style allemand. Alors je me suis
souvenu tout à coup de Goethe, un des plus grands écrivains
de l'Allemagne et en même temps un profond
naturaliste. J'ai ouvert sa Melamorp/wse CUT Pflamen.
J'en ai lu quelques fragments. Us m'ont fait éprouver,
im
DU STYLE DANS LES OUVRAGES DE BOTANIQUE 257
par comparaison, une jouissance dans le genre de celle
qu'on éprouve en entrant dans un port, lorsqu'on a été
balancé et fatigué par les vagues immenses de l'Océan.
Vraiment, me suis-je dit, nos confrères d'Allemagne
sont plus heureux que les Français et les Anglais : ils
ont un modèle de style tout trouvé, car Goethe a écrit
sur la botanique et aucun de ses compatriotes ne peut
dire qu'il fut un écrivain médiocre. En proposant aux
Hofmeisters futurs de l'imiter, je crois donner un de
ces conseils que tout étranger peut se permettre sans
être taxé de suffisance.