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240 PREMIÈRE PARTIE — CHAPITRE XVIII
daiit un temps prolongé les ouvrages scientifiques.
Linné a dominé les naturalistes de son é])oque, et ses
ouvrages tréiversent les siècles, à cause, en grande partie,
de son style à la fois clair et élégant.
Dans les sciences, la clarté est sans doute ce qui
importe le plus après l'exactitude. Cette grande qualité
do la clarté dépend d'une foule de choses dont j'ai
déjà parlé : bonnes divisions de chaque sujet, —
dernières subdivisions, jusqu'aux phrases, contenant
une seule idée ou des idées tout à fait connexes, —
constructions directes, allant du plus au moins important,
— mots connus et précis, — peu de signes et peu
d'abréviations, — ponctuation intelligente, régulière,
pas trop fréquente ni trop rare, — index et titres qui
donnent accès convenablement aux détails, — voilà ce
qui détermine un ensemble dans lequel la clarté ne laisse
rien à désirer.
Malheureusement les liommes de science ne trouvent
pas dans les langues, soit anciennes, soit modernes, les
instruments qu'il leur faudrait. <( C'est le peuple ignorant
qui a formé les langues, disait Voltaire. Il n'y a
aucune langue parfaite ; il en est des langues comme de
bien d'autres choses, dans lesquelles les savants ont reçu
la loi des ignorants (1). » La lutte s'est engagée, il est
vrai, sur ce terrain des langues, et il faut se donner une
peine infinie dans les ouvrages scientifiques pour réduire
le sens de chaque mot à un seul et pour nommer
différemment les choses qui sont différentes. C'est un
embarras continuel : tantôt les mots manquent et tantôt
vous en avez cinq ou six, presque synonymes, entre lesquels
il faut choisir. Le célèbre auteur que je viens de
«
( l ) Lettre à Tomazzi, janvier 1761.
DU STYLE DANS LES OUVRAGES DE BOTANIQUE 241
rappeler ne donnait pas une bonne direction ponr lever
a difiicnlté. Il tronvait les langues pauvres, et il aurait
voulu un mot distinct pour cliaque modification d'idée,
comme, par exemple, aimer peu, aimer beaucoup, aimer
passionnément, etc. C'est le contraire qu'il fallait désirer.
Les adjectifs et les adverbes sont excellents pour
exprimer les modilications des substantifs ou des verbes,
et ils ont Favantag-e de s'adapter à tous. Leur rôle est
celui de nos noms spécifiques pour les modilications do
formes dans les genres. Une langue faite par des personnes
instruites, comparée à celles qui existent ou ont
existé, aurait moins de mots, et chaque mot aurait un
sens plus précis.
Le langage botanique de Linné en est une preuve ;
aussi ai-je hâte d'expliquer en quoi il me paraît admirable.
§ 2. — Du STYLE DE LiNNÉ, CONSIDÉRÉ COMME MODÈLE DU LATIN
EN HISTOIRE NATURELLE.
Le mérite de Linné, en tant qu'écrivain, a été do
classer toujours ses idées d'une manière régulière, facile
à comprendre, et d'en exposer l^s détails avec une parfaite
lucidité, au moyen de peu de mots, choisis dans la
bonne latinité ; mais auxquels il attribuait une seule
r
signification, au lieu des sens multiples si fréquents chez
les anciens.
Pour juger convenablement de ces qualités, il faut
.ire trois catégories différentes de ses ouvrages : le
traité qu'il a intitulé Pliilosopliici hotanica; le Species
j)la%tamm, pour les descriptions ; les thèses qu'il com-
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