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mens de commerce sont dans l’usage d’ho-
noror les vaisseaux de guerre, quels qu’ils
soient , en entrant dans un port , et se
hâter de rendre ce salut, avant même qu’il
ne fut termine, dans la crainte que les vaisseaux
des autres puissances ne le prissent
pour eux. Comme si la gloire des armes pou-
voit consister en des choses d’aussi peu de
conséquence , propres seulement à remplir
des tetes étroites, et qui ne conviennent nullement
à des militaires, aux taiens et au courage
desquels etoientconfiéesdes forteresses ,
destinées à porter au traversées flots la
terreur aux ennemis de l’état, et la protection
au commerce j comme si un simple
manque d’egards , qu’il faut bien distinguer
de 1 insulte , n’avilissoit pas plutôt celui qui
s en rend coupable , que celui auquel ils
sont dus. L ’on se rappelle le flegme avec lequel
un officier hollandois , dans les mers de
l ’Inde, répondit à Bougainville, quiiuifai-
soit demander , dans le cas où son vaisseau
rendroit des honneurs au fort hollandois ,
quel seroit la forme du salut qu’il recevroit
en retoui. Lorsque j ’ote mon chapeau à
quelqu’un 3 dit l’étranger , c ’est de ma
part une politesse que j e crois lui devoir 3
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et j e ne m’informe pas auparavant si 3 de
son côté 3 il se découvrira.
Quoi qu’il en soit ,nous dûmes suivre l’usage
; et aussitôt que 1 ’Attalante eut jeté
l’ancre dans le port de Palerme , un officier
fut chargé d’aller complimenter le vice-roi
de Sicile, et de traiter arec lui la grande
question des saluts. Il fut convenu que la
frégate tireroit quinze coups de canon, et
qu’il lui en seroit riposté le même nombre
par la citadelle. D’après cet arrangement,
nous, saluâmes la place ; mais deux heures
s’écoulèrent avant qu’elle fut en état de
nous répondre. Nous ne pouvions, au reste,
nous formaliser de ce retard extraordinaire,
car nous avions devant nos yeux les canon-
niers travaillant, sans relâche, à relever de
terre quelques pièces de canon à demi-
enfouies, à les placer sur des morceaux de
bois, en guise d’affûts, enfin, à les mettre
en état de faire feu. Telle étoit alors la situation
de l’artillerie sicilienne. Les corsaires
barbaresques la connoissoient bien , et sa-
voient la mettre à profit, en venant enlever
des navires jusque dans le port même.
Le vice-roi nous envoya ,un officier pour
nous féliciter de notre arrivée, et nous iuvi?