dans d’autres contrées, et même en Europe,
et qu’un voyageur s’expose au ridicule, lorsque,
s obstinant a n’envisager que les objets
pour lesquels il s’est passionné, il suit trop
à la lettre le proverbe Ne sutor ultrà cre-
pidam.
Il est à remarquer encore que peu de voyageurs
françois ont pénétré dans l’Egypte supérieure.
Aucun de ceux qui, dans ces derniers
temps, ont acquis de la célébrité, n’a
poussé ses recherches au - delà de la plaine
de Saceara, c’est-à-dire, au-delà des environs
du Caire. Savary, lui-même, qui a publié
deux volumes sur la haute Egypte, n’yavoit
jamais mis le pied, et le ton d’assurance
avec lequel il en parle , les détails qu’il
donne de ce voyage , comme s’il eût été réel,
sont une tache à la réputation de cet élégant
écrivain. J’ai beaucoup connu Savary ; je
1 ai vu a Alexandrie, dans l’îlè de Candie ,
et depuis en France. Le succès mérité du
premier volume de ses Lettres sur l’Egypte
auquel son intention avoit été de se borner ,
puisqu’il contenoit les seules parties de cette
eontree où il eût voyagé, l’avoit enivré. Il
voulut y ajouter un voyage qu’il n’avoitpas
fait, et il a été réduit à extraire, à copier
( 13 )
Hérodote , Strabon, Diodore , etc. Plus
heureux que Savary et que beaucoup d’autres,
j’ai pu parcourir le Saïd, c’est ainsi que
les Arabes appellent la haute Egypte * depuis
le vieux Caire jusqu’à Assouan, et sous cet
aspect, mon ouvrage deviendra, peut-être,
de quelqu’intérêt.
Mais quel-intérêt plus puissant, pour s’occuper
de l’Egypte , que de songer qu’elle
n’est plus entre les mains des Mameloucks qui
l’opprimoient, que les François, en brisant
le joug d’airain sous lequel vivoient abrutis
les descendans du peuple le plus célèbre
de l’antiquité , leur présentent , avec la
liberté , les moyens de reconquérir les lumières
et les sciences, premier domaine de
leurs ancêtres ! L ’Egypte , telle que je la
peins, ne sera bientôt plus ce que je l’ai vue;
U11 espace immense de temps va s’écouler
dans peu de jours, et je ne serai plus bientôt,
et de mon vivant même , qu’un voyageur
ancien, comme ceux de l’antiquité le sont
maintenant à notre égard. Tant de prodiges
étoient réservés au plus grand peuple de
l’univers. Des villes renaîtront de leurs
décombres ; les monumens, dont l’approche
étoit interdite par de farouches dominateurs,