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Il nous inforraoit qu’au moment de l’embarquement
de la petite pyramide que j’y avois
achetée, la garnison du château s’y étoit
opposée. M. Forneti étoit allé sur-le-champ
chez l’Aga de Rossette, qui avoit aussi le
commandement d’Aboukir, et il en avoit
obtenu, non sans beaucoup de difficultés, un
ordre pour qu’on laissâtpartir Japyramide. Cet
officier étoit déjà instruit de l’affaire, avant
que M. Forneti lui en parlât. Il prétendit
que les gens avec lesquels nous avions traité
de l’achat du marbre , n’avoient pas le droit
de le vendre, et que c’étoit à lui seul qu’il
falloit s’adresser. Gela signifioit que je de vois
m’attendre à payer deux fois. L ’Aga avoit
ajouté qu’on lui avoit assuré que la petite
pyramide étoit toute pleine d’or» En conséquence
de cette idée , il recommanda
qu’aussitôt l’arrivée du monument à Rosr,
sette , on eût à l’en prévenir, afin qu’il
pût l’examiner, et voir :lui-même l’or qui
y émit renfermé. S’il ne s’en trouvoit point,'
il consentoit à nous la vendi-e.
L ’ignorant Aga ne s’en tint pas à ces pré-r
cautions ; il fit venir secrètement le janissaire
qui nous.avoit accompagnés à Aboukir, pour
apprendre de lui s’il y avoit de l’or dans le
morceau
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morceau de marbre. Ce janissaire, qui étoit
depuis long-temps attaché au service des
François , et qui , accoutumé à les accompagner
, savoit que l’or n’étoit pas l’objet de
leurs recherches en Egypte, fit ce qu’il put
pour dissuader l’Aga, mais ce fut en vain ;
le Mamelouck ne pouvoit se mettre dans la
tête qu’une pierre eût du prix à nosyeux, et
les questions qu’il faisoità ce sujet étoient fort
plaisantes.
Enfin la pyramide arriva d’Aboukir. Lorsqu’elle
fut débarquée au port de Rossette ,
elle attira une foule de curieux. Des exclamations
sur sa beauté se faisoient entendre de
tous côtés. C’étoit à leurs yeux une pierre
précieuse, dans le sens propre de cette expression,
et cela parce qu’elle brilloit au*so-i
leil. Ils ne pouvoient se défendre d’un sentiment
de considération envers les Francs,
qui avoient eu la sagacité de découvrir une
pierre si admirable.
Il y avoit tout lieu de penser que les sots
propos de tant de stupides admirateurs par-
viendroient aux oreilles de l’Aga, et qu’ils le
confirmeroient dans son idée de trésor. Nous
convînmes , M. Forneti et moi, de laisser le
marbre sur le port et de n’avoir plus l’air d’y
Tome J. D d