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qu’elles pourroient l’être de toute une contrée,
se plaisent à s’en parer, à en garnir
leurs habitations, à en porter aux bains, à
en tenir a la main , enfin à en parfumer
leur sein. Elles attachent à cette possession
que la . douceur du climat et la facilité de
la culture ne leur refusent que rarement,
un si haut prix, qu’elles voudroient se la
réserver exclusivement, et qu’elles souffrent
avec impatience que les femmes chrétiennes
et juives la partagent. Victime de
la tyrannie, la beauté, dans ces pays, a donc
aussi son despotisme ? Mais* il n’a rien de
dur ni de fâcheux : ses caprices sont aima-,
bles ; il ne porte que sur des fleurs.
Une singularité remarquable, c’est que le
parfum que les fleurs du henné exhalent cesse
d’être agréable lorsqu’on les flaire de très-
près : il est alors presqu’entièrement absorbé
par une odeur spermatique bien décidée.
Si l’on écrase quelques-unes de ces fleurs
entre les doigts, cette dernière odeur prévaut
: elle est même la seule qui se fasse
sentir alors. Cette particularité est une source
de plates plaisanteries de la paçt des beaux
esprits du pays , et la propriété que l’on
attribue au henné de provoquer l’avortement
, les rend inépuisables. L ’on tire
de ces mêmes fleurs une eau parfumée qui
les remplace pendant les courts instans où
elles viennent à manquer. Quant aux nombreuses
vertus médicinales que les çUffe-
rentes parties de la plante passent pour
posséder, elles n’ont rien d’assez certain
jusqu’à présent. Plusieurs auteurs en ont
fait l’énumération * et je me contente d y
renvoyer (i).
Mais les propriétés utiles et constatées
du henné ne se bornent pas aux objets
d’agrément ou de mode. Les arts retirent
encore des avantages de la poudre de ses
feuilles. L ’on conçoit qu’une matière qui
fournit, avec tant de facilite, une couleur
adhérente, durable, et que l’on peut, selon
les mélanges, étendre du jaune au rouge
le plus vif, ne peut manquer d’offrir des ressources
pour les teintures. Elle viendra vraisemblablement
augmenter bientôt celles de
la France, où son«usage n’ est pas connu , et
où l’habileté de nos artistes en tirera tout
le parti dont elle est susceptible. Elle for-
(i) Vide Prosp. Alpin. d eP la n tis Egyp. cap. 13.
— Ejusdem , de Medici. Egyp. lib. 4 , cap. i.— Boiitü
notas in Garoiam ab Iiorto , in cap. 3 5 iib. a} etc. etc.