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abattues, faisoient vraisemblablement partie,
avoit été consacré à Sérapis. Des étrangers y
arrivoient en foule, plutôt pour y jouir dea
délices que l’on goûtoit dans la ville, que pour
sacrifier au dieu. La campagne d’alentour -3
que le Nil inondoit, étoit parée des richesses
de la nature, tandis que celles du luxe, ré*
pandues avec profusion, brilloient dans l’intérieur.
L ’agrément de sa situation, la beauté
du climat, l’aisance qui y régnoit, la délicatesse
de la bonne chère, les plaisirs de tout
genre qui paroissoient l’avoir adoptée comme
leur domaine chéri , tout s’accordoit pour
rendre son séjour enchanteur, et pour faire
de sa population une réunion d’hommes
heureux (i). Mais la dissolution des moeurs
y devint à son comble ; la licence n’y
connut plus de frein ; les douces erreurs,
l’aimable condescendance des femmes, qui
n’a de prix qu’autant que la tendresse Pins-
pire, y dégénérèrent en effronterie ( z ) }
( 1 ) . . . . . . P e loe i gensJ~ortunafa Canopi.
Y IRG. Georg. liv. 4.
(2) Tous les jours et toutes les nuits, selon Strabon ,
le canal étoit couvert de barques remplies d’hommes et
de femmes, qui dansoient et chantoient avec la dernière
lubricité.
enfin le sage n’osoit plus y aborder ( 1 )•
Les excès du luxe, la dépravation genéiale
des moeurs Sont de sûrs avant-coureurs de la
chute prochaine des états et de la dégradation
des peuples. Canopeadisparue ;les descendans
de ceux qui l’habitoient ne sont plus que des
barbares ; le Nil a refusé d’huroecter plus longtemps
un sol dépeuplé » les campagnes sont
sèches et désertes; aucune partie des monu-
mens n’a conservé sa place, ni sa position;
tout est tombé, tout est bouleversé, tout est
détruit, et la superbe et délicieuse Canope
n’existe plus que dans le souvenir de quelques
hommes.
Le lendemain de notre arrivée à Aboukir,
nous allâmes, M. Forneti et moi, faire une
visite au gouverneur; c’étoit un baçbier. Prévenu
de notre démarche par le juif, il se hâta
de mettre ses plus beaux habits et de se coiffer
d’un schall blanc. Nous le trouvâmes assis
dans sa boutique, a v e c un éventail de plumes
à la main. Il nous reçut avec toute la gravité
d’un visir ; cependant il nous offrit ses services
en tout ce qui pourroit nous être agréable.
( 1 ) Lorsque le sage voudra se retirer, il rie choisira
jamais Canope pour le lieu de sa retraite. Séneque,
¿pitre 5l .