et les lettres ont rendus célèbres, me pres-
soient de publier mes voyages; et Buffon,
qui m’a jugé digne d’être associé, pendant
quelques instans , à ses travaux immortels;
Buffon, ce colosse de l’éloquence et de la
philosophie, m’écrivoit en 1781 : « Je ne
>j doute pas que vous n’ayiez rassemblé
»» nombre d’excellentes observations qui
» vous feront beaucoup d’honneur ?en les
»> publiant. «
Mais je ne jouissois pas de la liberté de
me livrer à un travail qui exige le calme
de famé, la sérénité de l’esprit. Que j’ai
été loin, hélas! de goûter ces fruits de la
tranquillité ! La nature avoit, pour ainsi
dire , marqué ma destination. Avec une
imagination ardente, l’amour des sciences,
la passion des découvertes, le sang - froid
du courage; avec une constitution physique
à toute épreuve , je paroissois appelé aux
entreprises les plus périlleuses, à l’exécution
des projets d’expéditions les moins ordinaires;
et lorsqu’après de longs exercices en ce
genre, jeune encore, je rentrai dans ma
patrie, cette même nature, qui a départi
à chacun de nous des dispositions particulières,
sembla me punir de ma retraite, et
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accuser, en même temps, un gouvernement
qui ne savoit presque jamais placer les hommes
au poste qui leur convenoit, ni s’honorer
par des choix que n’eussent pas souillés
l’intrigue ou la vénalité. Ce tempérament
robuste qui avoit résisté â l’ardeur du climat
de l’Afrique , à l’humidité bouillante de
l’équateur, dans l’Amérique méridionale ;
que l’excès des fatigues et des privations
n’avoit py altérer, vint se briser contre la
langueur du repos. Des maladies violentes
se succédèrent ; la sombre mélancolie prit
la place de l’activité de l’esprit, et une
agitation pénible de l’ame suivit de près
:l’agit.ation salutaire du corps. Une’ absence
de quelques années avoit enhardi la cupidité
de quelques parens. Pour récupérer ce qu’ils
m’avoient enlevé , il me fallut entrer dans
ce que l’on appeloit alors le sanctuaire de
la justice, et qui n’étoit, à vrai dire, que
Je labyrinthe de la chicane, dont les parois,
hérissées de crocs aigus, se chargeoient de
la dépouille de ceux qui avoient la témérité
d’y pénétrer. D’un autre côté ,' des
hommes , qui m’ont sauvent fait regretter
la mauvaise foi de la plupart des Orientaux ,
et les pillages des Arabes; des hommes,
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