la ville , iis vont dans des cafés , dont on
se feroit une idée fausse , si on en jugeoit par
les nôtres. Ce sont des tabagies enfumées,
sans nulle décoration, et dans lesquelles on
ne trouve que du café et des charbons ardens,
pour allumer les pipes. L ’on s’y asseoit sur
des nattes, et ils sont fréquentés par les
hommes de toutes les nations qui habitent
l’Egypte. L ’on y converse peu : quelques
paroles s’y font seulement entendre de temps
en temps,. Le Turc.est froid et silencieux:
il regarde avec dédain les autres peuple s.
L ’Africain est moins taciturne , mais il veut
suivre l’exemple du Turc, et ceux qui ne sont
pas Musulmans , n’ont garde de ne pas s’assujettir
servilement au goût de leurs tyrans.
La pipe d’une main, une tasse de café de
l’autre , on fait succéder lentement une gorgée
de café à quelques aspirations de fumée
de tabac. Des danseuses, des baladins, des
improvisateurs viennent y captiver l’attention,
et arracher quelques pièces de mon-
noie. Il n’est presque point de ces lieux de
réunion qui n’ait un conteur attitré, qui ne
se lasse pas de conter et qu’on ne se lasse
point,d’écQUter, Les récits de ces narrateurs
infatigables , sont , la plupart du temps ,
fort ennuyeux. Cependant les écrivains ara*
bes, desquels ils tirent leurs contes , leur en
fournissent quelquefois de charmans. Tel
est le suivant que j’ai retenu , parce qu’il
est court et piquant.
ci Un Turc avoit rendu compte à sa femme
d’une prédication de l’Iman de sa mosquée.
Le prêtre avoit parlé de la sainteté et des
obligations du mariage. Tous ceux, avoit-
il dit, qui s’acquittent du devoir conjugal, à
l’entrée de la nuit, font une oeuvre aussi méritoire
que s’ils sacrifioient un mouton. Ceux
qui, au milieu de la nuit, payent un second
tribut, font autant, auxyeUx de Dieu, que
s’ils sacrifioient un chameau. Ceux enfin qui,
au lever du soleil, »rendent un troisième
hommage à la sainteté de leur union, méritent
autant que s’ils délivroient un esclave.
L ’épouse fort occupée du salut de son mari
lui dit à l’entrée de la nuit : Mon ami,
sacrifions un mouton ; et le mouton fut sacrifié.
A minuit le Turc fut réveillé; on lui
disoit : Allons, mon ami, sacrifions un chameau
; ce sacrifice se fit encore. Le jour
commençoit à peine à poindre, que la fervente
musulmane avertissoit son époux que
c’étoit le moment de délivrer un esclave,
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