Le boeuf est, en effet, de tous les animaux
domestiques, celui qui rend à l’homme les
services les plus importans. Chez un peuple
guerrier et conquérant, le cheval sera placé
au premier rang; mais ce peuple ne sera ni
yiche ni heureux. Chez une nation sage, qui
regardera l’agriculture comme la vraie source
de la prospérité publique, le boeuf aura la
préférence. Voyez ce cheval si superbe ; avec
quelle rapidité il parcourt la plaine ! quelle
Souplesse , quelle fierté dans ses mouvemens!
Ses yeux étincellent, sa bouche blanchit
d’écume ; de larges naseaux laissent à peine
le.passage libre à un souffle brûlant et entrecoupé
; il semble partager l’ardeur du guer-
rier qui l’a soumis au frein. L ’un et l’autre
offrent sans doute un spectacle imposant;
mais ni l’un ni l’autre ne peuvent arracher
leur subsistance du sein de la terre ; elle est le
fruit des efforts de ce malheureux qu’on ap-
perçoit dans le lointain, courbé péniblement
sur un soc traîné par des boeufs qu’animent
modestement le courage et la constance du
travail; c’est lui qui force la terre, en la
déchirant, à des productions toujours nouvelles;
lui seul sâit employer le fer à la seule
conquête avouée parla nature,
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L ’on sait combien les boeufs étoient en
recommandation dans l’antique Egypte ; ils
fournissoient des dieux à ce peuple Superstitieux;
leur cul te étoitgénéralement répandu;
plusieurs villes en entretenoient de sacrés.
L’on connoît quelle fut la célébrité du boeuf
Apis , qui devint le premier de ce troupeau
de divinités: ilavoit des autels ; il nourrissoit
des prêtres, il rendoit des oracles. L ’on ne
tuoit aucune génisse, et la loi déclaroit sacrilège
quiconque osoit en manger la chair (1).
On faisoit des funérailles aux boeufs ordinaires
lorsqu’ils venoient à mourir; car, à l’exception
de ceux que l’on sacrifioit aux dieux,
l’on n’en tuoit guère ; il étoit défendu de
mettre à mort ceux quiavoient déjà travaillé;
e’étoit un prix de leurs services, une sorte
de reconnoissance, bien éloignée de la dureté,
de la féroce ingratitude de la plupart
de nos cultivateurs,. envers les animaux au
travail desquels ils doivent leurs moyens de
subsistance ; et cette rudesse de l’insensibilité
influe plus qu’on ne le pense sur la morale
publique. Le gouvernement Egyptien , de
( 1 ) Auj ourd’hui encore, le meurtre d’un homme ou
d’un veau sontles seuls crimes que les Indous punissent
de mort. Voyages de Mahintosh , tome 1 , page 3l 2.
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