passagers, une ou plusieurs chambres bien
aérées , et qui seroient fort agréables si l’on
n’y étoitdévoré pardesmyriades depuces, de
poux et de punaises dont elles sont remplies.
Dans les deux jours et les deux nuits que
nous mîmes à descendre jusqu’à Rossette, il
me fut impossible , ainsi qu’à mes compagnons,
de fermer un instant les yeux. En
proie aux morsures d’une quantité prodigieuse
de ces insectes dégoûtans , nous en
fûmes tourmentés d’une manière inconcevable;
nos corps n’étoient plus qu’une continuité
de petites plaies et de grosseurs cuisantes.
J’avois été exposé, dans l’Amérique
méridionale , aux aiguillons de vols innombrables
de maringouins, mais je ne me rappelle
pas d’avoir jamais souffert comme dans
ce maudit kanja.
Au reste, ces bateaux ont, de même que
les germes d’Alexandrie , des immenses
voiles latines , attachées à des antennes d’une
longueur extraordinaire. ( Voyez planche
III.) Ces antennes ne s’amènent pas non
plus , et quand on • est à la voile , il est
impossible de les faire passer au-dessus de
la tête des mâts | pour changer de bord ;
en sorte que, dans les bordées que les nombreuses
breuses sinuosités du Nil forcent à courir,
les voiles sont, une partie du temps, appliquées
contre les mâts et les haubans ,
sans que l’on puisse les carguer ni les amener.
Le vent étant inégal , les rafales brusques
et fréquentes ; et les mariniers fort;
ignorans, ' il n’est pas rare de voir dans cette
position quelques-uns de ces bateaux chavirer.
<Celui qui nous conduisoit étoit à mort
compte seul ; il ne portoit que nous et nos
bagages, j ’eus ie temps de converser aVec
le patron. Je cherehois à lui faire comprendre
qu’au moyen de quelques légers
çhangemens, il lui serait facile d’éviter le
danger trop réel de sombrer sous voiles. I l
cûnvenoit de tout; mais il en revenoit toujours
à l’argument ordinaire de la routinière
ignorance : C ’est: Vusage.
< Nous éprouvâmes, pendant les deux jours
que dura notre navigation sur le Nil , un
brouillard fort épais ,< qui ne se dissipoit qu’à
dix heures du matin , en tombant en pluie
très fine. Ces brouillards étaient les avant-
couréürs dè l’hiver. Mais, par ce mot d’hiver,
il tiePfaût pas enteridre la température âpre et
froide qui, durant plusieurs mois de l’année ,
arrête la végétation et fai t souffrir 1 e s hommes,
Tome I. Q