faire impression sur des hommes grossiers
et a caractère de fe r , il se voit forcé , pour
les émouvoir, d’emprunter par fois leur langage.
Toutes ces circonstances laissent une
empreinte de fermeté , qui , à des yeux délicats
, paroit avoisiner de trop près la rudesse
, et qui influe invinciblement sur le
style. En outre , en cherchant à entendre et
a parler des langues étrangères, l’on finit par
oublier la sienne ; nulle ressource d’ailleurs
pour la littérature , nul loisir même pour
s en occuper : tels sont les embarras que
j’aurois vraisemblablement éprouvés , et qu’il
m auroit fallu vaincre , si j’eusse écrit mes
voyages aussitôt qu’ils ont été terminés; Si
le voyageur est l’historien des hommes qu’il
rencontre, il l’est aussi de la nature jet, pour
en parler dignement, il faut savoir la peindre
dans sa parure comme dans sa noble simplicité.
Je ne sais si je me trompe, mais je pense
que, sous oe dernier rapport, mon ouvrage
aura beaucoup gagné de sa publication tardive,
et que j’aurai à m’applaudir d’avoir
suivi le précepte de Montaigne, lorsque ,
parlant des auteurs, il dit: <Qu’ ils y pensent
bien , avant de se produire ; qui les hdte ?]
Essai, liv, I I I , Chap. 9,
( 9 )
L ’Egypte, cet antique berceau des sciences
, où les merveilles de l’art et celles de la
nature se disputoient l’admiration , a ete
le but des courses philosophiques des anciens
comme des modernes. Depuis Herodote
jusqu’à Volney , écrivains également célébrés,
les récits multipliés , sur une contrée
dont la surface entière du globe n’offre pas
là pareille , attestent la curiosité qu’elle
excitpit généralement. Mais' cette sorte
d’affluence des. voyageurs ne peut empêcher
que je n’y trouve encore ma place, et la
crainte de parler de l’Egypte, après tant
d’autres , ne m’a point arrêté. La barbarie
et les ruines ont succédé aux institutions et
aux monumens de l’antiquité; et la difficulté
de faire des recherches , des observations *
n’a pas permis aux voyageurs modernes
de tout examiner. Il restoit après eux ,
comme il restera encore après moi , bien des
choses., sinon à voir, du moins à bien voir.
Les objets ne se présentent pas non-plus
sous*le même point de vue , à tous les observateurs.,
Et de même que chaque peintre
a sa touche et son coloris qui animent des
grâces de la nouveauté les sujets déjà traités,
le voyageur qui porte avec lui sa manière