jures et quelques pierres , dont l’une , trop
bien lancée, vint me frapper assez rudement
la poitrine. Si j’avois cru aux augures, je
n aurois pas , sans doute, continué un voyage
commencé sous des auspices aussi fâcheux.
Une mésaventure d’un autre genre nous
attendoit à quelque distance de la ville.
C etoit un coup sensible pour ceux dont
l ’appétit prévoyant se trou voit trompé, dans
son espoir. L ’âne chargé des provisions
de bouche , indigne d’un fardeau d’une telle
importance, culbuta ses paniers : bouteilles,
assiettes, pâtes, etc. tout fut en morceaux.
L on passa près d’une demi-heure à recueillir
les debiis de la halte, et l’on eh chargea un
cheval moins étpurdi. La nuit nous prit
bientôt j elle ne pouvoit être plus obscure,
et à l’ennui près de marcher long - temps
sans rien voir, sur des plages qui m’étoient
inconnues, ce fut pour moi, comme si je ne
fusse pas sorti d’Alexandrie. J’avois, avec
moi en particulier, un ancien serviteur
exerce aux voyages, un jeune dessinateur et
un bombardier de la marine. Nous marchions
en peloton serré, et avec un janis»
saire , nou s faisions l’avant-garde. Arrivés
à mi-chemin , nous nous arrêtâmes pour
prendre quelque repos. Lorqu’il fut question
de se remettre en route, chacun cou-
roit après sa monture qu’il avoit abandonnée,
et que l’obscurité l’empêchoit de retrouver
ou de reconnoître : on cnoit, on se disputoit;
les muletiers se battoient entr’eux , les janissaires
les baltoient tous. Au milieu de cette
confusion , ma petite cohorte étoit en selle,
dès le moment du signal du départ, et nous
jouissions, à notre aise, des scènes comiques
qui se passoient autour de nous. Nous avions
eu soin de ranger nos mules à l’écart, et nous
les reprîmes à volonté. Une heure entière se
passa dans un désordre qu’il eût été facile de
prévenir, et cette observation n’est pas hors
de propos : elle prouve que, dans les voyages
comme dans les expéditions militaires, l’ordre
et le soin sont également indispensables, et
qu’en les négligeant on est quelquefois exposé
à des inconvéniens plus grands que celui dé
la perte d’un temps précieux.
L ’on arriva à Rossette, à six heures du
matin ; l’on dormit jusqu’au dîner , sans
s’embarrasser des préparatifs d’un aumônier
capucin , pour une messe solemnelle qui
devoit être suivie d’un Te deum. L ’on partit
après-midi, pour le Caire, avec la même