C H A P I T R E I I I.
D é p a r t d e T o u l o n .— R e l â c h e .— C ô t e s
d e la C o r s e .—G ê n e s .— O p é r a .—I s l e
d E l b e e t I sl e s a d ja c e n t e s . — C o u p
d e v e n t . — A r r i v é e a P a l e r m e .
C e fut le 26tavril 1777» ® dix heures du
soir , que la fregate Vu4 ttalante , l’une des
plus belles de la marine française , mit à la
voile de la rade de Toulon. M. Durfort la
commandoit, et elle étoit armée de près de
trois cents hommes d’équipage et de trente-
deux pièces de canon. Quelques personnes
de Versailles, Mr. et Mme- Tessé-, M. d’Ayen,
M. Meung, avoient obtenu la permission de
s y embarquer , et on devoit les conduire à
Palerme, à Malte et à Syracuse. C’étoit ce
qu’on appeloit autrefois des grands ; mais
ils avoient déposé l’orgueil des cours , et
étoient devenus des gens fort agréables.
Madame Tessé , l’une des femmes de ce
temps qui avoient le plus d’esprit, donnoit
le ton à cette petite colonie de courtisans; et
1 honnetete, la franche et gracieuse loyauté
du commandant*, le choix des officiers, fai-
soient, de la réurîion de VAltalante 3 la
■ société la plus aimable, et telle qu’ilauroit
été difficile d’imaginer qu’elle se trouvât sur
la mer. De son côté, M. Tott avoit avec
lui un officier de cavalerie et un conseiller
au Châtelet, association bizarre et digne de
son auteur. Le citoyen Venture , savant interprète
des langues orientales, et qui est
aujourd’hui avec l’armée d’Egypte , étoit
L au’ssi de l’expédition. Il n’étoit pas aisé de
loger tant de monde ; l’on fut obligé de
désarmer les quatre canons de l’arrière ,
pour Faire des cabanes dans la chambre ; et
la sainte-barbe étoit tellement encombrée
par les lits qu’on y avoit dressés, qu’on ne
pouvoit s’y retourner.
•Nous étions sortis par un temps favorable ,
mais qui ne fut pas de longue durée. Le
vent devint bientôt contraire , en passant
avec violence à l’est. Le ciel, couvert d’épais
nuages , versoit une pluie continuelle.
Dans la matinée du lendemain , des oiseaux
voloient autour du vaisseau. Je distinguai
des tourterelles, des petits pluviers à collier
et un blongios. Plusieurs de ces oiseaux
se posèrent sur les agrès , et ils étoient