tances nepouvoient être pins fâcheuses. Des
dissentions très-fréquentes entre les dominateurs
de l’Eg ypte , -s-’étoient portées au
plus haut point de fureur. Le Saïd étoit rempli
de combattans , et infesté de brigands ;
tandis qu’au Caire, l’européen, confiné dans
sa maison , ou aü moins dans un quartier resserré,
toujours tremblant, n’osoitse montrer
au milieu d’une confusion, d’un désordre,
desquels on ne peut se former une idée , si
l’on n’a pas habité cette capitale de l’Egypte.
J’attendois que les troubles fussent appaisés,
pour me mettre en route ; mais fatigué de
lfinaction inquiète à laquelle j’étois réduit,
ennuyé de vivre reclus, et ne pouvant prévoir
l’époque où l’Egypte reprendroit une
tranquillité qui permît d’y voyager sans être
exposé à des périls aussi certains , je me déterminai
à revenir à Rosseite, contrée privilégiée
, que les commotions du reste de
l’Egypte n’atteignoient pas, et dans laquelle
l ’étranger avoit la facilité de se promener en
toute sûreté , sur-tout quand il vouloitbien
se conformer aux usages du pays. %,
J’avois abandonné au Caire l’habit européen,
pour me vêtir à Ja manière des Turcs.
Ma chevelure avoit été sacrifiée; une énorme
seste à la Druse enveloppoit de plusieurs
tours ma tête rasée, et la tenoit à l’abri des
atteintes d’un soleil ardent ; de longs et
amples vêtemens , qu’une ceinture de soie
contenoiten partie, couvroient mon corps,
sans le comprimer^ et il y étoit parfaitement
à l’aise. Aucune partie n’est serrée, rien ne
gêne dans le costume oriental, et lorsqu’on
l’a porté quelque temps , l’on éprouve combien
sont incommodes les étreintes de, nos
habits étroits et mesquins, et l’on a de la peine
às’ÿ habituer de nouveau. Mon dessinateur
et mes deux francois avoient également
changé de vêtemens ; mais ils portoient' un
habit moins ample et plus leste : celui des
serràchs 3 soldats d’infanterie attachés aux
beys : des-moustaches ombrageoient nos
lèvres et de grands cimeterres traînoient à nos
côtés.
Nous quittâmes avec joie la ville du Caire,
le 20 octobre 1.771, à une heure après midi ,
et nous nous embarquâmes sur un kanja,
espèce de bateaux en usage sur le Nil. Leur
construction est élégante , et ils sont -bons
voiliers; il y en a de différente grandeur. En
même temps qu’ils servent au transport des
marchandises , ils ont sur l’arrière, pour les