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Après le désir d’avoir la peau douce et du
plus beau poli , le soin le plus cher aux
femmes est d’acquérir beaucoup d’embonpoint.
lie goût des hommes ne se porte point
vers les tailles aisées et sveltes, vers les
formes dégagées et. élégantes ; ils aiment les
femmes très-grasses, et toutes s’efforcent à le
devenir. Pour arriver à ce haut degré, à
cette perfection de beauté , elles usent de
différentes drogues , comme des noix du
cocotier, des bulbes d’hermodactes (i), râpées
et mêlées avec du sucre. Elles ne manquent
jamais , à la suite de leurs couches,
de manger de cette dernière espèce de pâte
ou confiture, dans la persuasion où elles sont
que c’est le meilleur moyen de réparer les
forces et de reprendre de l’embonpoint.
L ’idée d’une femme très-grasse est presque
toujours accompagnée en Europe de
celle de la mollesse des chairs, de l’affaissement
des formes, du défaut d’élasticité dans
les contours. L ’on se tromperoit, si l’on se
représentait ainsi les femmes de la Turquie,
( i) En arabe, chamire. La plus grande quantité de
ce qui s’en consomme en Egypte, est apportée de
Barbarie. II en croît aussi assez abondamment aux environs
d’ Aboukir.
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en général, où elles cherchent toutes à engraisser.
Il est d’abord bien certain que les
femmes de l’Orient , plus favorisées de la
nature , conservent plus long-temps que les
autres , la fermeté des chairs ; et cette propriété
précieuse , jointe à la dôuceur, à la
blancheur de leur peau*, à la fraîcheur de
leur carnation , les rendent très-agréables ,
en font des masses très-appetissantes , lors--
que leur embonpoint n’est pas porté à l’excès..
Au surplus , il n’y a pas de pays dans le
monde où les femmes poussent plus loin les
attentions de la propreté, que dans ces contrées
de l’Orient. Les bains Fréquens , les parfums
, l’emploi de tout ce qui peut adoucir
et embellir la peau , conserver tous leur&
charmes, rien n’est négligé , et les plus petits
détails se succèdent avec une scrupuleuse
exactitude. Tant de soins ne sont pas perdus.
Les femmes ne sont nulle part plus
constamment belles ; nulle part elles ne possèdent
mieux le talent de seconder la nature;
nulle part enfin , elles ne sont plus savantes ,
ni plus exercées dans l ’art d’arrêter et de réparer
les ravages du temps; art qui a ses
principes et de nombreuses pratiques. Je me
suis amusé à les rassembler, non-seulement en
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