rose tendre. Sa tête arrondie brilloit de deux
grands yeux, dont l’un étoit d’un jaune léger,
et l’autre bleu. Cette belle chatte avoit encore
plus d’amabilité que dè grâces dans ses
mouvemens et dans ses attitudes* Avec Ja
physionomie de la bonté, elle avoit une
douceur vraiment intéressante. On pouvoit
la manier tant qu’on vouloit ; jamais ses
griffes ne sôrtoierit de leurs étuis. Sensible
aux caresses , elle léchoit la ttiâin qui la
flattoit, celle même qui la tourmentoit. En
voyage, elle restoit tranquillement sur les
genoux, sans qu’il fût besoin de l’enfermer ;
aucun bruit ne l’inquiétoit, pourvu qu’elle
fût près de moi ou de quelqu’âutre personne
qu’elle avoit l’habitude de voir* Dans ma
solitude, elle restoit à mes côtés , m’inter-
rompoit quelquefois au milieu de mon travail
ou de mes méditations , par des petites
caresses bien affectueuses : elle me suivoit
encore à la promenade. Pendant mes absences
, elle me cherchoit et elle m’appelait
d’abord avec inquiétude; et si je tardois à
r-eparoître, elle quittoit ma chambre et s’at-
tachoit aux pas de la personne de la maison
qu’elle afièctionnoit le plus après moi. Elle
reconnoissoit ma voix, et elle sembloit me
retrouver chaque fais avec une nouvelle satisfaction.
Sa démarche n’étoit point oblique,
son allure étoit franche , et son regard étoit
aussi doux que son caractère: c’étoit, en un
mot, le naturel dû ehien le plus aimable ,
sous la brillante fourrure d’ùn chat.
Cet animal a fait mes délices pendant
plusieurs années. Gomme l’expression dé
son attachement se peignoit sur sa physionomie!
Combien de fois ses aimables caresses
m’ont distrait dans' mes peines , et consolé
de mes infortunes ! Combien de fois un être
d’un genre que l’on accuse de trahison n’a-
t-il pas fait, chez moi, un contraste frappant
avec une foulé de véritables traîtres,
qui, sous le masque de l’amitié, n’assiègent
la porte de l’honnête homme que pour
mieux le tromper ; avec ces serpens que
mon sein a réchauffés tant de fois pour en
être tant de fois déchiré ! Poür le malheur
de l’humanité, la vie du méchant est longue.
Ces gens exécrables, dont ma plume trace-
xoit les noms s’il n’etoît réservé à la justice
du ciel de les signaldr de sa foudre ,
sont encore pleins de vie , de forfaits et
d’audace, et ma belle et intéressante compagne
a^péri. Après quelques jours de souf-
X a