rapidité ; l’on s’y tint presque continuellement
enferme pendant un mois, et on revint
à Alexandrie aussi vite que l’on en étoit
parti. Voila ce que les gens, dits du bon tona
appeloient voyager. Us s’en revenoient ensuite
en Europe, raisonner de tout avec
impudence, et quelquefois écrire sur des
choses qu’ils n’avoient jamais vues.
Ç’est , au surplus, la coutume de faire
pendant la nuit, le trajet d’Alexandrie à
Rossette , afin d’éviter l’incommodité d’un
soleil brûlant. Mais dévoué, depuis longtemps
, à des voyages dans des climats de
feu , j’avois appris à supporter toute l’ardeur
çlu soleil ; bien convaincu, d’ailleurs, qu’il
ne fait jamais trop grand jour pour un voyageur
qui cherche à s’instruire, j’ai depuis
parcouru le même espace, pendant la journée
; on l’évalue à douze heures de marche,
Les voitures n’étant point en usage , l’on
se servoit de mules , que l’on trouvoit à
louer à un prix fixe et modéré , tant à
Alexandrie qu’à Rosseite. Leur allure est un
amble très-alongé, au moyen duquel on fait
beaucoup de chemin sans trop se fatiguer.
Ces animaux étaient tellement habitués à la
route 9 qu’il étoit inutile de les guider, et
que la nuit comme le jour ils ne s’écartaient
pas du chemin qui, sur un sable mouvant,
ne peut être tracé ni même frayé; aussi n’a-
voient-ils ni bride, nimors, mais seulement
un mauvais licol.
Quoiqu’on ne passe par aucun lieu habité
, ce n’est pas, à proprement parler, un
désert. Pendant 3a moitié du chemin, l’on
voit, d’un coté, et à peu de distance, quelques
maisons et un bourg ; e t , dans le reste,
on rencontre des signes qui indiquent que les
habitations ne sont pas éloignées. Aussi n’a*
t-on pas à y craindre des coups de vent du
Midi, si redoutables dans les vastes plaines
de sable dont l’Egypte est environnée. Sa-
vary, qui n’a pas connu d’autre désert que
celui-ci, lui applique ce qu’il a entendu raconter
des véritables, u Malheur, s’écrie-t-il,
» à celui qu’un tourbillon du Midi surprend
y.au milieu de cette solitude ! S’il n’a pas ,
m une tente, pour.se mettre à l’abri, il est
» assailli par des flots de poussière embrasée
» qui lui remplissent les yeux et la bouche,
m lui ôtent la respiration et la vue. Le parti
» le plus sage est de faire cette route la
» nuit i> (1). Rien n’est assurément si ter-
( 1 ) Lettres sur l’Egypte , tome I , page 45.' ; • - '