couleurs, et plaquées d’or moulu. L ’on en
trouve de différentes grandeurs : celles dont
on se sert le plus ordinairement en Egypte,
ont plus de capacité; elles sont, en même
temps, plus évasées. Elles viennent presque
toutes de la Turquie, et l’argile rougeâtre
dont elles sont formées se tire des environs
de Constanlinople. Il y avoit à Rossette
un Turc qui excelloit dans cette sorte d’ouvrages.
Je prenois quelquefois plaisir à le
voir travailler : une foule de petits poinçons
luiservoient à imprimer, avec beaucoup de
délicatesse, différeus dessins sur l’argile encore
molle; mais il y employoit un temps
fort long : aussi ses noix de pipes étoient-
elles très-chères. J’en ai pris de lui qui m’ont
coûté jusqu’à 6 francs la pièce. Quelques-
unes étoient recouvertes d’un chapiteau
percé à jour , en forme de cassolette. Ce
Turc, qui avoit beaucoup vécu à Constantinople,
n’étoit pas sans esprit ; sa boutique
étoit le rendez-vous des personnages les plus
considérables de Rossette; il étoit l’ami des
François, et il s’est servi du crédit dont il
jouissoit, pour me procurer les facilités de
voyager dans la basse Egypte,
Il est difficile pour les François, sur-tout
pour ceux qui n’ont pas l’habitude de se
brûler la bouche avec nos pipes Courtes et
notre tabaG fort, de concevoir comment il
est possible de fumer sans cesse. D’abord le
tabac de Turquie est le meilleur et le plus
doux du monde ; il n’a point cette âcreté
qui , dans nos pays , provoque une salivation
continuelle; ensuite la longueur des
tuyaux, dans lesquels la fumée monte, la
nature odoriférante des bois dont ils sont
faits , le succin que l’on tient à la bouche,
le bois d’aJoës dont on parfume le tabac,
contribuent à l’adoucir encore , et à ne
point en rendre la fumée incommode dans
les appartemens. Aussi de belles femmes se
plaisent-elles à distraire leur loisir en pressant
le succin de leurs lèvres de rose, et
à respirer légèrement la fumée du tabac dè
Syrie , embaumée par celle de l’aloës. Il
n’est pas nécessaire , non plus, de tirer fortement
la fumée ; elle monte presque^d’elle-
même. On détourne sa pipe, on cause, on
regarde , de temps en temps on la pose au
milieu des lèvres, et on attire doucement
la fumée , qui sort aussitôt de la bouche
entr’ouverte. Quelquefois on s’amuse à la
faire passer par le nez : d’autres fois on en