
toute autre espèce de nourriture. Mais les navigateurs qui fréquenteront
cette terre pour se reposer et se procurer du gibier en abondance,
feront bien de négliger ces canards, qu’on ne peut plumer,
et auxquels on est forcé d’enlever la peau.
Des légions de goélands, d’alouettes de mer, d’huîtriers revêtus
de noir et de blanc ou tout noirs, se joignoient aux espèces que
nous venons de citer, parmi lesquelles il ne faut pas omettre le
stercoraire cataracte, qui est ia poule du Port-Egmont des navigateurs
anglais. Il sera facile de le reconnoître à Ja large bande transversale
blanche qu’il a en-dessous des ailes, et qui contraste avec la
couleur brune de son corps.
L ’hémisphère austral nous a montré dans plusieurs lieux les
espèces communes de mauves et de goélands, comme au Gap de
Bonne-Espérance, à la Nouvelle-Hollande, à la baie des Chiens-
Marins, aux îles Malouines, à Montévidéo et au Brésil, qui est ia
latitude la plus élevée par laquelle nous en ayons vu. A Rio de
Janeiro, on en fait la chasse dans la rade, parce que leur chair y est
autant estimée qu’on la dédaigne chez nous.
Quoique sans aucune ressource dans les solitudes des Malouines,
d’où nous ne prévoyions pas sitôt sortir, nous n’abandonnâmes jamais
l’étude de la nature ; nous y trouvions une distraction puissante
contre les inévitables et secrètes réflexions sur notre position, que
l’hiver qui s’approchoit alloit rendre plus terrible. C ’est dans nos
chasses, en épiant les animaux, que nous surprenions quelquefois
ces singularités de moeurs, ces habitudes sociales propres à chaque
tribu, qui disparoissent et font place à l’effroi lorsque l’homme
se montre à découvert.
Il résulte de ce que nous venons de dire des oiseaux de mer,
relativement à futilité dont ils peuvent être pour la navigation,
qu’il n’y en a qu’un très-petit nombre qui soit susceptible d annoncer
avec quelque précision, et dans de certaines circonstances,
le voisinage des terres ; qu’on ne doit tirer aucune induction
semblable de l’apparition de quelques espèces qui errent sur l’Océan
pour y chercher leur nourriture. En indiquant les parages dans lesquels
nous les avons rencontrées, nous n’avons point prétendu les
leur fixer pour limites ; celles que trop tôt on s’est empressé de
vouloir leur assigner, ne reposent pas sur un assez grand nombre
d’observations pour être exactes. D ’ailleurs, les saisons, les calmes
ou les vents, les font se rapprocher ou s’éloigner plus ou moins de
certaines zones.
D’un autre côté , nous ne pouvons nous dissimuler que toutes
ces déterminations de genres, mais sur-tout d’espèces, sont assez
difficiles à appliquer, à la simple inspection, aux oiseaux de mer,
pour les marins qui, étrangers à l’histoire naturelle, se sont déjà
fait une nomenclature usuelle, excessivement variable, comme nous
l’avons d it, et qui laissera long-temps du vague et de l’obscurité
dans cette branche de l’ornithologie. Cependant s’il est possible
de faire faire des progrès à l’histoire de ces oiseaux, on doit s’attendre
à y voir contribuer avec succès quelques-uns des officiers de
l'Uranie, qui, témoins de nos études en ce genre, y donnoient infiniment
plus d’attention que n’ont coutume de le faire les personnes
de leur profession. Nous citerons particulièrement M. Bérard, que
son goût pour la chasse, joint à son adresse, portoit à nous procurer
tous ceux de ces animaux qui s’offroient à ses coups. Cet officier,
parcourant avec la plus grande distinction sa carrière, est parti pour
un second voyage autour du monde : il explore en ce moment de
nouvelles contrées, affronte de nouveaux dangers, et satisfait ce
besoin impérieux pour l’homme de mer, de sensations fortes et
sans cesse renouvelées.
Voyage de l'Uranie. — Zoologie.