
par des zoophytes d’une petitesse extrême, et qui avoient en eux
un principe phosphorescent si subtil et tellement susceptible
d’expansion, qu’en nageant avec vîtesse et en zigzag, ils laissoient
sur la mer des tramées éblouissantes, d’abord larges dun pouce,
qui aboient ensuite jusqu’à deux ou trois par le mouvement des
ondes. Leur longueur étoit quelquefois de plusieurs brasses. Générateurs
de ce fluide, ces animaux l’émettoient à volonté; on
voyoit tout-à-coup un point lumineux jaillir de leur surface et
se développer avec vîtesse. Un bocal que nous mîmes à la surface
de la mer reçut deux de ces animalcules qui rendirent immédiatement
l’eau toute lumineuse. Peu à peu cette lueur diminua, et finit
par disparoître. Ce fut en vain qu’à la loupe et à la lumière (moyen
facile de distinguer dans l’eau les mollusques transparens ) nous
fîmes des efforts pour apercevoir quelque chose; tout avoit disparu.
Seulement nous pouvons assurer qua laide de la lueur que
répandoient ces animaux, nous discernâmes quils étoient excessivement
petits.
Deux officiers de l ’Uranie admirèrent avec nous ce phénomène
, dont nous ne sachons pas qu on ait parlé. D autres, observateurs
plus heureux, pourront peut-être reconnoître i’animal qui
le produit.
Nous avons souvent réfléchi à l’étrange faculté dont sont
doués ces zoophytes microscopiques, et nous lavons toujours
trouvée inexplicable, à moins de supposer, pour se rendre raison
d’un fait aussi singulier, qu’ils recèlent en eux un des principes de
la phosphorescence, qu’ils f émettent à volonté, et que ce principe
devient seulement visible lorsqu il se combine avec 1 eau de la mei.
Nous ne disons rien du sentiment des auteurs sur le sujet qui
nous occupe ; nous ne faisons point de citations; nous ne combattons
point les opinions qui tendroient a faire croire que la phos
phorescence de la mer est due à d’autres causes qu’à la présence des
animaux ; il seroit en effet absolument oiseux de rappeler des systèmes
que la seule observation devoit renverser; et c’est aussi ce qui a eu
lieu. Nous n’apportons que des faits, peu nombreux sans doute, mais,
nous osons le dire, aussi bien observés que nous pouvions le faire
dans nos doubles fonctions de médecins et de naturalistes, et en
franchissant avec rapidité des espaces immenses *.
Nous allons passer à la description des espèces nouvelles que
nous avons à faire connoître, en ajoutant à certaines d’entre elles
quelques considérations générales.
En allant des îles Mariannes aux ries S an dw ich , nous rencontrâmes très au large , par
35® de latitude n o rd , et dans une étendue de plusieurs d egrés, une énorme quantité d’oeufs
de mollusques : ils étoient tous de la même espèce, rougeâtres, et formés d’un grand nombre
de petites cupules alongées, fixées par une de leurs extrémités sur une petite bandelette longue
d’un pouce et demi à deux pouces, laquelle, dans l’e au, étoit un peu recroquevillée sur elle-
même ; de sorte que la masse des oeufs avoit une forme arrondie. E n pressant les cupules,
il en sortoit beaucoup de petits grains noirs qu i, examinés au microscope, étoient autant de
petites coquilles discoïdes et planorbiques, ayant quelques rapports avec celles du genre atlante
de M. Lesueur, et que nous avions déjà trouvées dans d’autres parages. Mais les atlantes sont
très-rares; et si les oeufs dont nous parlons eussent seulement donné chacun une coquille,
la mer en eût été couverte. D ’ailleurs, les atlantes connus jusqu’à ce jour sont presque
microscopiques, et les mollusques desquels provenoient ces oeufs devoient être fort gros.
Les localités et la fraîcheur de la température ne permettent pas de supposer que ce soient
des nautiles ; d’où il suit que nous ignorons complètement quel est le mollusque dont l’embryon
discoïde et aplati couvre ainsi ces parages.