
CHAPITRE XV.
Mémoire sur l ’accroissement des'Polypes lithophytes
considéré géologiquement. “
P armi Jes phénomènes de zoologie qui se rattachent à Ja théorie
de Ja terre ceux qui concernent les zoophytes solides sont encore
bien loin détre éclaircis. En appelant l’attention des naturalistes
sur ces animalcules, nous espérons démontrer que tout ce qu’on
a dit ou cru observer jusqu’à ce jour relativement aux immenses
travaux quils sont susceptibles d’exécuter, est inexact, toujours
excessivement exagéré, et Je plus souvent erroné.
Il nous en coûte beaucoup, sans doute, pour arriver à Ja démonstration
des faits que nous avons examinés avec Ja plus grande
attention, d’étre obligés de combattre des assertions généralement
reçues et de nouveau présentées par un naturaliste infatigable, que
la mort a trop tôt ravi aux sciences. Péron, par quelques remarques
isolées faites à Timor et à l’Ile-de-France, seuls lieux où il ait été
à portée d’observer en grand Je travail des lithophytes, Péron a cru
devoir, sur la foi des voyageurs, tirer des conclusions trop générales
sur ces animaux considérés comme ayant élevé ou élevant encore,
des profondeurs de l’Océan, de nombreux archipels ou des écueils
dangereux. De quoi peuvent servir toutes les citations qu’il accu-
Lu a 1 Académie royale des Sciences de ITnstitut, le 14 juillet 18 2 3 .
mule, si elles reposent sur des observations mal ou superficiellement
faites! à masquer la vérité et à accréditer l’erreur par l’influence
de noms célèbres.
A u lieu de croire que Jes îles de Ja Société, quelques parties de
Ja Nouvelle-IrJande, la Louisiade, l’archipel de Salomon, les îles
basses des Amis, les Mariannes, les Palaos, les îles des Navigateurs,
celles de Fid ji, les Marquises, & c ., sont en partie ou en totalité l’o.u-
vrage des zoophytes, nouspensons au contraire que toutes ces terres
ont pour hase Jes mêmes élémens, Jes mêmes minéraux qui concourent
à former les îles et tous les continens connus. L à en effet
ce sont des schistes, comme à Timor et à Vaigiou; du grès, comme
sur les cotes de Ja Nouvelle-Hollande. Ailleurs, le calcaire en couches
horizontales forme l’île de Boni, ou entoure Jes pitons volcaniques
des îles Mariannes. L e granit se montre aussi quelquefois; mais
le plus souvent ce sont Jes volcans qui ont formé les îles répandues
dans l’Océan austral. L ’Ile -d e -F ran c e , l’île de Bourbon,
quelques-unes des Moluques, les Sandwich, T a ït i, et tous ces
nombreux archipels découverts par Bougainville ou C o o k , doivent
en partie leur origine aux feux souterrains, comme Je prouvent Jes
échantillons de roches que nous avons rapportés de quelques-uns
de ces lieux, et les récits des naturalistes voyageurs, pour ceux
que nous n’avons pas visités nous-mêmes.
Qu’est-ce donc qui a pu donner lieu de croire que Jes madrépores
encombrent les bassins des mers, et élèvent du fond de leurs
abîmes, des îles basses, dangereuses pour les navigateurs ! un examen
peu approfondi, un coup d’oeil jeté en passant sur les travaux de
ces zoophytes.
Nous nous proposons dans ce mémoire,
1. D examiner comment les lithophytes élèvent leurs demeures
sur des hases d’une nature déjà connue, et quelles sont Jes circonstances
favorables ou défavorables à leur accroissement,
2, De montrer quii n y a point d’îles un peu considérables,